Si l'on se réfère aux risques du Distilbène chez les filles de femmes traitées par ce médicament, des relations comparables pourraient être soupçonnées chez les enfants des femmes exposées, voici plusieurs décennies, au DDT ( pulvérisé dans la nature. Effectivement, les dérivés de l'insecticide possèdent aussi des effets estrogéniques, modérés cependant.
Les données du travail mené par Barbara A. Cohn et coll. (Californie), publiées dans le « Lancet », arrivent à des conclusions surprenantes : selon le dérivé du DDT impliqué, la fécondité des jeunes femmes exposées in utero peut être soit altérée, soit, au contraire, modérément amplifiée.
Une telle recherche ne pouvait que prendre du temps, puisqu'il a fallu attendre que les descendantes des femmes exposées soient en âge de procréer. Donc, entre 1960 et 1963, des échantillons de sang ont été prélevés de 1 à 3 jours après l'accouchement, puis conservés. Un peu moins de 1 000 des filles de ces femmes ont été contactées de 28 à 31 ans plus tard. Les questions essentielles portaient sur le temps passé entre les rapports sans précaution et la survenue d'une grossesse. Parmi elles, 646 ont retourné le questionnaire, 289 ont pu être pris en compte.
De façon concomitante, les sérums maternels ont été analysés à la recherche de 3 dérivés du DDT : p,p'-DDE, p,p'-DDT et o,p'-DDT. Les taux retrouvés ont été de 0,01 à 6,7 μg/l pour l'o,p'-DDT, de 3,04 à 48,48 μg/l pour le p,p'-DDT et de 11,21 à 132,53 μg/l pour le p,p'-DDE.
Plus 16 % pour le p,p'-DDE
La corrélation entre les chiffres relevés chez les mères et la fécondité de leurs filles a été établie. La probabilité de grossesse chute de 32 % pour 10 μg/l de p,p'-DDT dans le sang maternel. En revanche, et c'est là la surprise, elle augmente de 16 % pour 10 μg/l de p,p'-DDE chez la mère.
Les médecins californiens tentent une explication. Ils suggèrent que l'activité antiandrogénique du DDE, connue depuis des travaux chez les singe, peut atténuer les effets androgéniques délétères du DDT sur l'ovaire durant le vie foetale ou peu après la naissance. D'ailleurs, ces actions divergentes du p,p'-DDE et du p,p'-DDT pourraient expliquer pourquoi l'énorme diffusion du DDT dans le monde n'a pas eu de fortes conséquences sur la fertilité humaine. D'autant que les dérivés du DDT sont très lipophiles, persistants dans l'organisme, stables durant la grossesse, et traversent la barrière hémato-placentaire.
« Lancet », vol. 361, 28 juin 2003, pp. 2205-2206.
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