Hémorragie cérébrale

Les facteurs prédictifs de démence mieux cernés

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Publié le 20/06/2016
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Une démence survient chez 10 % des patients après un accident vasculaire cérébral (AVC) et dans 30 % des cas après une récidive d'AVC. Mais les données sur le pronostic cognitif après une hémorragie cérébrale étaient jusqu'alors très parcellaires, du fait de la fréquence moindre des hémorragies (10 % des AVC) et de leur mortalité élevée, jusqu'à 60 % la première année.

Ceci a conduit à mettre en place une étude de cohorte, dont l'objectif était de déterminer l'incidence de la démence post-hémorragie cérébrale et de préciser des facteurs prédictifs. Des travaux antérieurs menés par le groupe lillois suggéraient en effet un risque accru de démence chez les patients présentant une hémorragie lobaire, favorisée par une angiopathie amyloïde sous-jacente.

Le travail a porté sur les patients inclus entre 2004 et 2009 dans la cohorte observationnelle Prognosis of Intracerebral Haemorrhage (PITCH) du CHU de Lille et qui répondaient aux critères suivants : hémorragie cérébrale spontanée, vivant au premier suivi à 6 mois, indemne de démence à l'inclusion (critères IQCODE version courte).

Tous les patients avaient eu un scanner à la phase aiguë, complété d'une IRM en l'absence de contre-indication. Ils ont été suivis à 6 mois, 12 mois puis annuellement. Un bilan neuropsychologique était demandé en cas de Mini Mental State (MMS) < 27 et le diagnostic de démence était porté après concertation pluridisciplinaire (National Institute of Aging et Alzheimer association).

L'analyse a été réalisée pour les sous-groupes prédéfinis (population globale et hémorragie lobaire), après ajustement sur l'âge et en considérant le décès comme un événement compétitif de la démence. Deux modèles statistiques ont été évalués : la clinique à l'admission et les lésions vasculaires à l'IRM.

Sur les 560 patients ayant présenté une hémorragie intracérébrale inclus dans la cohorte PITCH, 264 étaient vivants à 6 mois. 31 ont été exclus en raison d'une démence préexistante et 15 par manque de données cognitives.

Deux fois plus de démences après hémorragie lobaire

L'analyse a ainsi porté sur 218 patients, dont l'âge médian était de 67,5 ans. L'incidence cumulée de la démence à 4 ans était de 28,3 %. « Dans les hémorragies lobaires, l'incidence de la démence à un an était deux fois plus élevée que dans les hémorragies non lobaires », indique la Dr Solène Moulin. Cette différence est restée stable avec le temps.

L'évaluation des lésions à l'IRM (réalisée chez 188 des 218 patients analysés) a permis de déterminer des facteurs radiologiques prédictifs de démence, dans la population globale (sidérose superficielle corticale, score d'atrophie corticale élevé, nombre élevé de microsaignements et âge élevé) comme dans le sous-groupe d'hémorragies lobaires (sidérose superficielle corticale, score d'atrophie corticale élevé, hémorragie intracérébrale ancienne et âge élevé).

« L'analyse de cette cohorte de 218 patients consécutifs présentant une hémorragie intracérébrale souligne pour la première fois le rôle prédictif puissant de démence de la sidérose superficielle corticale pouvant suggérer la présence d'une angiopathie amyloïde sous-jacente », souligne la Dr Moulin. La localisation lobaire de l'hémorragie est particulièrement susceptible d'altérer les fonctions corticales et donc d'avoir un impact sur la cognition. « Néanmoins, le nombre élevé de démences diagnostiquées plus tardivement dans le suivi suggère l'existence d'un processus vasculaire et/ou neurodégénératif évolutif du déclin cognitif. Ces résultats soulignent l'importance des stratégies de prévention ciblées sur les lésions dites silencieuses visibles en IRM », conclut la Dr Solène Moulin.

D'après un entretien avec la Dr Solène Moulin, CHRU, Lille

Moulin S et al. Lancet Neurol. 2016 Apr 28. pii : S1474-4422(16)00130-7

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste