Quand le cerveau se met au diapason du cœur

L’expérience de mort imminente peut être expliquée

Publié le 07/04/2015
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Que se passe-t-il dans l’organisme pendant les quelques secondes qui précédent la mort ? Depuis plusieurs années, une équipe de l’Université du Michigan étudie l’activité physique et chimique du cerveau, mais aussi du cœur, en situation de mort imminente. Dans leur publication, les chercheurs montrent que dans ces derniers instants, le cerveau dépense énormément d’énergie pour communiquer avec le cœur.

Dans leurs expériences, des souris saines ont été asphyxiées par inhalation de gaz carbonique. Dans ces conditions, les enregistrements électrocardiographiques de l’équipe révèlent une détérioration cardiaque progressive des murins – diminution du rythme cardiaque, arythmie, fibrillation ventriculaire et enfin asystolie, environs 6 minutes après le début de l’expérience. Jusque-là, pas de grande surprise… Au niveau du cortical, cependant, les enregistrements révèlent une activité accrue, hautement synchronisée, avec libération intempestive de neurotransmetteurs.

D’après le Pr Borjigin, l’investigateur principal de l’étude, cette activité – qui dépasse celle observé à l’éveil en condition physiologique – pourrait expliquer les « expériences de mort imminente » relatées par certains survivants d’arrêt cardiaque, qui disent « voir de la lumière ».

Relancer les fonctions vitales

Autre observation : le cerveau se met au diapason du rythme cardiaque et la connexion entre les deux organes est renforcée jusqu’à l’entrée du cœur en phase de fibrillation ventriculaire. « Il est possible que cette activation corticale soit un mécanisme homéostatique mis en place par le cerveau en dernier recours pour relancer les fonctions vitales ».

Les chercheurs sont allés plus loin, en testant l’effet d’une rupture de communication entre le cerveau et le cœur des souris. Ils leur ont sectionné la moelle épinière et administrés de l’atropine, pour bloquer leur système parasympathique. Les résultats en conditions d’asphyxie sont édifiants : la détérioration du cœur s’est vue ralentie, la fibrillation ventriculaire a mis deux fois plus de temps à apparaître, et l’activité cérébrale était prolongée. Ces observations suggèrent que l’emballement du cerveau pour « sauver le cœur » n’aurait donc pas l’effet escompté… « Ces résultats amènent à penser qu’interrompre les connexions du cerveau vers le cœur pourrait être une stratégie pour repousser la mort cardiaque et la mort cérébrale chez les patients en arrêt cardiaque », conclut le Pr Borjigin.

D’après Duan Li et al., PNAS, 6 avril 2015
Clémentine Wallace

Source : Le Quotidien du Médecin: 9401