Nouveau défi de la cardiologie

L’exploration fonctionnelle de l’oreillette gauche

Publié le 20/05/2019
Article réservé aux abonnés
Figure 1 exploration fonctionnelle

Figure 1 exploration fonctionnelle
Crédit photo : DR

Figure 2 exploration fonctionnelle

Figure 2 exploration fonctionnelle
Crédit photo : DR

Si le ventricule droit a été pendant longtemps considéré comme « la cavité oubliée », l’oreillette gauche ne l’est probablement pas moins. Pourtant, elle joue un rôle essentiel dans la physiologie cardiaque en permettant la transition entre un régime basse pression, représenté par le lit capillaire pulmonaire, et un régime haute pression, représenté par le ventricule gauche. Ainsi, même en cas de valve mitrale continente, le raccourcissement du ventricule gauche en systole impose à l’oreillette gauche des variations de volumes qui vont être absorbées par ses capacités de compliance permettant ainsi de limiter l’augmentation des pressions au niveau du lit capillaire pulmonaire (figure 1). Ces contraintes en systole persistent en diastole où les anomalies de relaxation sont autant de résistances au remplissage du ventricule gauche qui vont se traduire par une augmentation pressionnelle dans l’oreillette gauche. L’exploration morphologique et fonctionnelle de l’oreillette gauche est donc une étape essentielle dans la compréhension de l’évolution de toute cardiopathie et dans l’appréhension des changements de régime de pression (et donc des symptômes) qui l’accompagnent.

Explorer le remodelage avant la densification de la fibrose

La fibrillation atriale est largement reconnue comme le tournant évolutif de toute cardiopathie. Dans la plupart des cas, l’apparition de la fibrillation atriale est précédée d’un remodelage structurel de l’oreillette gauche qui va aboutir à un phénomène d’activation fibroblastique et à l’augmentation de la matrice extracellulaire entraînant une dissociation électrique entre faisceaux musculaires à l’origine d’hétérogénéités de conduction locale, favorisant les ré-entrées et l’entretien de l’arythmie (1). Ce remodelage structurel va s’accompagner de l’apparition d’une fibrose de la paroi de l’oreillette gauche. Aujourd’hui visualisable et quantifiable grâce à l’imagerie par résonance magnétique, celle-ci est associée à une augmentation des risques rythmique et d’évènements cardiovasculaires (2). Tout l’enjeu des techniques en développement réside sur l’exploration de l’oreillette gauche avant que la fibrose interstitielle ne soit suffisamment dense pour altérer les capacités de compliance de l’oreillette. Le défi consiste donc à explorer le remodelage avant l’apparition d’une fibrose trop importante. 

Étudier la déformation de l’oreillette

Parmi les nombreux indices de remodelage, le plus robuste est probablement le volume indexé de l’oreillette gauche, mesuré en biplan à partir des vues apicales 4 et 2 cavités, qui ne doit théoriquement pas dépasser 34 ml/m2. Cependant, bien qu’associé à une augmentation du risque cardiovasculaire, la dilatation de l’oreillette est un processus tardif dans le cours évolutif d’une cardiopathie. L’approche fonctionnelle, comme celle que permet l’étude de la déformation (strain) de l’oreillette gauche en échocardiographie transthoracique (figure 2), permet d’explorer l’oreillette dans ses trois composantes que sont la fonction réservoir (expansion pendant la systole), la fonction conduit (pendant la diastole précoce) et la fonction contractile (phase active en fin de diastole) (3). Le strain de l’oreillette gauche a été corrélé à la densité de fibrose atriale quantifiée en imagerie par résonance magnétique et est associé au risque thromboembolique (dépassant le simple score CHA2DS2-VASc) et au pronostic. Une valeur seuil de 12 % est associée à une augmentation du risque thromboembolique (4) et de 23 % au risque de récidive de fibrillation atriale après ablation (5). 

Fédération des services de cardiologie. Centre d’imagerie cardiaque, CHU Rangueil, Toulouse
(1) Allessie MA, de Groot NMS, Houben RPM, et al. Electropathological substrate of long-standing persistent atrial fibrillation in patients with structural heart disease: longitudinal dissociation. Circ. Arrhythm. Electrophysiol. 2010;3:606–15.
(2) King JB, Azadani PN, Suksaranjit P, et al. Left Atrial Fibrosis and Risk of Cerebrovascular and Cardiovascular Events in Patients With Atrial Fibrillation. J. Am. Coll. Cardiol. 2017;70:1311–21.
(3) Hoit BD. Left atrial size and function: role in prognosis. J. Am. Coll. Cardiol. 2014;63:493–505.
(4) Obokata M, Negishi K, Kurosawa K, et al. Left atrial strain provides incremental value for embolism risk stratification over CHA(2)DS(2)-VASc score and indicates prognostic impact in patients with atrial fibrillation. J. Am. Soc. Echocardiogr. 2014;27:709–16.e4.
(5) Motoki H, Negishi K, Kusunose K, et al. Global left atrial strain in the prediction of sinus rhythm maintenance after catheter ablation for atrial fibrillation. J. Am. Soc. Echocardiogr. 2014;27:1184–92.

Pr Olivier Lairez

Source : Bilan Spécialiste