’" En basant l'impôt nouveau - car c'est bien d'un impôt de superposition qu'il s'agit - sur les signes extérieurs de richesse, nos législateurs risquent fort de commettre une injustice flagrante. Parmi ces signes, en effet, il en est un qui est essentiellement trompeur, surtout quand il s'agit de médecins : c'est le prix du loyer. De la sorte, on aboutit à deux conséquences ; on favorise le célibat et les mariages inféconds ; on aide au développement de la tuberculose.
La première proposition ne demande pas un long commentaire : les familles nombreuses ont habituellement besoin d'un appartement plus vaste que les ménages sans enfants. Quant à la seconde, le Dr Louis Rénon l'a si bien abordé dans le Journal des Praticiens que nous ne lui substituerons pas notre méchante prose :
" Vous avez un appartement composé de plusieurs pièces, bien ensoleillé et bien aéré ; donc, vous êtes riche ! Telle est la formule. Rien n'est plus faux. A l'heure où nous faisons une campagne énergique pour la salubrité de l'habitation, où nous admettons comme un axiome que la tuberculose est la maladie de l'obscurité, où nous protestons de toutes nos forces contre le surpeuplement du logis, beaucoup de citoyens, sur la foi de nos principes d'hygiène sociale, n'ont pas hésité à restreindre leurs autres dépenses et, selon leurs ressources respectives, à payer cher la place, l'air, la lumière pour la santé de leur famille.Et ce serait le moment choisi pour imposer le logement en le considérant comme un signe de richesse ! Cette base fiscale pousserait les classes populaires à s'entasser de nouveau dans des réduits mal éclairés, dans un encombrement et dans une hygiène des plus douteux. L'impôt sur le revenu basé sur le loyer d'habitation n'est donc pas juste : il est, de plus, contraire aux préceptes d'hygiène que nous nous honorons de développer et il ferait perdre rapidement tous les bénéfices de la campagne ardente que nous menons en faveur de la santé publique. "
Comme le dit encore très judIcieusement le Dr Rénon, le médecin est obligé d'avoir un loyer plus élevé que ne le comporte sa situation de fortune personnelle. "Cette représentation extérieure est obligatoire pour nous, à la ville comme à la campagne. Les courses professionnelles nous obligent, dans la plupart des cas, à nous servir d'un cheval, d'une voiture, voire même d'une automobile, toutes choses dont nous nous passerions, si nous n'étions pas médecins. Nous avons donc l'apparence de la richesse, sans avoir malheureusement la réalité. "
Le temps est venu de protester contre l'impôt projeté, qui ne serait ni équitable, ni politique. Vraiment le moment est mal choisi où l'Etat réclame de nous tant de services - que nous lui rendons du reste sans marchander - pour nous accabler sous le poids de taxes fiscales qui achèveront de rendre impossible l'exercice de notre profession. Il en est qui cherchent un remède à la pléthore médicale : le voilà qui s'offre de lui-même. Nous doutons, toutefois, que les promoteurs de la campagne le trouvent à leur gré. "
(Chronique Médicale, avril 1906)
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