Neuroradiologie interventionnelle

L’incertitude dans les anévrismes intracrâniens non rompus

Publié le 23/03/2009
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La révolution en marche

Cela fait près de cinquante ans que la révolution de la neuroradiologie interventionnelle est en marche et elle a transformé radicalement la prise en charge des anévrismes intracraniens rompus. Actuellement 70 % d’entre-eux sont traités par voie endovasculaire et les 30 % restant par voie chirurgicale. Mais s’affranchir de la voie chirurgicale ne s’est pas fait en un jour. Au début on obstruait totalement l’artère porteuse puis on a mis au point des petits ballonnets en latex qu’il fallait placer puis larguer dans la cavité anévrismale.Il fallait parfois plusieurs heures pour remonter de l’artère fémorale à la cérébrale moyenne alors qu’il ne faut plus que quelques minutes avec les micro-cathéters utilisés actuellement.

Angiographie tridimensionnelle

Un tournant majeur a été pris avec l’angiographie tridimensionnelle et l’utilisation des coils. Cette imagerie a permis une meilleure connaissance de l’angioarchitecture anévrismale et notamment du collet, de sa morphologie, de ses dimensions ainsi que de ses rapports avec les branches artérielles adjacentes ce qui permet de l’obstruer avec beaucoup plus de sécurité.On monte un cathéter depuis l’artère fémorale jusqu’au collet de l’anévrisme et les microcoils (petits ressorts en platine) sont introduits dans la cavité anévrismale. Quand les collets sont trop larges par rapport au diamètre de l’anévrisme, on peut utiliser des stents qui stabilisent les coils dans le sac anévrismal. La technologie de fabrication des microstents est en constante progression de telle sorte, qu’à l’avenir, il est possible d’espérer que la seule mise en place du stent permettra d’obtenir une occlusion de la cavité anévrismale sans qu’il soit nécessaire de remplir cette cavité par des coils. La paroi d’un anévrysme est tellement fine voire transparente que le risque de rupture est majeur lors de cette phase. Cela étant, actuellement, que ce soit par coils et/ou à l’aide de stents, il est admis que dans 70 à 80 % des indications, l’occlusion endovasculaire des anévrismes intracrâniens est le traitement le plus efficace et le moins dangereux.

«  Le problème est qu’il convient d’en établir les limites et en particulier de déterminer si les traitements préventifs des nombreux anévrismes de découverte fortuite sont "éthiquement " acceptables  », souligne le Pr Luc Picard.

L’étude TEAM

Lors de la découverte d’un anévrysme intra-cranien non rompu, on est confronté au dilemne de l’information du patient et de la gestion de son angoisse car il n’est pas démontré qu’un traitement est constamment utile. «  Cet anévrisme n’est pas une bombe, utiliser ce terme est scandaleux, et source d’angoisse qui de plus favorise la rupture  » déclare avec insistance Luc Picard. Devant cette incertitude, des spécialistes canadiens appuyés par la Société française de neuroradiologie ont lancé une grande étude randomisée internationale baptisée TEAM dont le but est de tenter d’apporter une réponse scientifique afin de déterminer s’il faut ou non traiter un anévrisme asymptomatique. Cette étude a prévu d’inclure 2 000 patients : la moitié d’entre eux sera traitée et l’autre simplement suivie. Commencée il y a plus d’un an cette étude n’a inclus que 45 patients à ce jour. Il faut dire que les freins sont énormes. Le consentement des patients est très difficile à obtenir car il n’est pas toujours possible de proposer au patient d’abandonner la décision stratégique au hasard. «  Moi qui suis en fin de carrière, j’ai acquis une expérience qui m’incite à intervenir dans certains cas bien précis : la topographie, la morphologie et en particulier l’aspect irrégulier du sac anévrismal sont des paramètres importants qui doivent être pris en compte. Ce n’est pas uniquement le critère de taille essentiellement pris en compte dans l’analyse statistique qui doit emporter la décision. C’est une question importante et je pense personnellement que plus on avance, moins les traitements sont dangereux mais même dans les meilleures mains, il y a toujours un risque de mort ou un risque de complication fonctionnelle grave comme une hémiplégie ou une aphasie. Même si au niveau d’un individu le risque est quantitativement faible, cela peut être la catastrophe. Une complication peut détruire un patient fonctionnellement et psychologiquement  », conclut ce spécialiste. Une analyse au cas par cas reste d’actualité. Dans les années à venir, une meilleure approche des lésions de la paroi artérielle qui sont à l’origine du développement d‘un anévrisme, modifiera la donne des indications thérapeutiques.

D’après la communication à l’Académie de Médecine du Pr Luc Picard (ancien chef de service de neuroradiologie, au CHU de Nancy).

Dr MARIE-LAURE DIÉGO-BOISSONNET

Source : lequotidiendumedecin.fr