De notre correspondant
N ON seulement les Noirs américains sont deux fois plus susceptibles de faire un Alzheimer ou d'être victimes d'une démence sénile, mais ils ont davantage de risques que les citoyens du Nigeria de contracter un diabète et d'être hypertendus ou atteints d'une maladie cardio-vasculaire.
L'étude a été menée simultanément à Indianapolis, sur 2 147 habitants de la ville, et à Ibadan, sur 2 459 personnes. Dans les deux groupes, les deux tiers des sujets étaient des femmes. La totalité des 4 606 personnes a été suivie tout au long d'une décennie. Toutes étaient âgées de 65 ans au début de l'étude et aucune ne présentait de signes de démence ou d'Alzheimer. A la fin de l'étude, 2,52 % des Américains présentaient un Alzheimer et un total de 3,24 % des symptômes de démence contre respectivement 1,15 % et 1,35 % chez les Nigérians.
L'étude, qui va être complétée par une deuxième phase portant sur 2 000 résidents d'Indianapolis âgés de 70 ans, montre que les Noirs américains sont plus à risque de diabète, d'HTA et d'autres maladies que les Nigerians.
C'est la première fois que l'on compare une cohorte appartenant à un pays industrialisé à un groupe vivant dans un pays en développement.
L'objectif de l'équipe de l'université de l'Indiana (IU) qui a conduit l'étude, a déclaré le Dr Hugh Hendrie, professeur de psychiatrie à l'IU, est désormais de déterminer les facteurs qui augmentent les risques aux Etats-Unis. « Les résultats sont significatifs, déclare le Dr Hendrie, parce que, jusqu'à présent, on s'est contenté de comparer des groupes qui vivent dans le même pays, ce qui complique l'analyse des résultats. Nos travaux vont donc permettre de progresser en direction de la prévention. Je pense qu'ils vont démontrer que le facteur génétique de l'Alzheimer n'est pas le seul et qu'il est combiné, dans l'apparition de la maladie, à des facteurs sociaux. »
Le Dr Lindsay Farrer, qui a rédigé un éditorial associé à la publication de l'étude, se prononce pour un lien entre les maladies vasculaires et l'Alzheimer. Il cite une étude réalisée sur des religieuses décédées au terme d'un Alzheimer et dont l'autopsie du cerveau montrait, en dehors des lésions classiques liées à l'Alzheimer, des lésions dues à des attaques cérébrales. Le Dr Farrer souligne que, de plus en plus, on associe la maladie d'Alzheimer à des taux de cholestérol élevés ou à une HTA.
Si l'étude souligne les différences entres les modes de vie entre les Etats-Unis, pays riche, et le Nigeria, pays pauvre, le Dr Richard Cooper, spécialiste de médecine préventive à l'université Loyola de Chicago, écarte l'appauvrissement des populations comme méthode de prévention de l'Alzheimer. Selon lui, les Nigerians inclus dans l'étude ont une existence très précaire et souffre d'autres maux dus à la malnutrition ou au manque d'hygiène.
Le président de l'Alzheimer's Association, le Dr Bill Thies croit moins à l'impact de l'environnement qu'à l'influence des comportements personnels. « La question, déclare-t-il au « Quotidien », n'est pas l'endroit où vous vivez, mais votre façon de vivre. Quand nous saurons ce que les malades mangent, s'ils fument ou non, s'ils pratiquent un sport ou non, si leur hygiène est bonne ou insuffisante, nous saurons ce que nous devons dire aux gens sur ce qu'ils doivent faire pour ne pas contracter la maladie d'Alzheimer. »
« JAMA » du 14 février 2001.
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