Le service de santé des armées dote progressivement ses centres médicaux et ses unités médicales opérationnelles d’échographes compacts et plus récemment d’ultracompacts. 170 appareils ultracompacts ont été achetés à cet effet entre 2015 et 2016.
L’emploi de l’échographie par les médecins généralistes a été conceptualisé en 2005 au profit des médecins de la Marine nationale embarqués. La formation s’est progressivement élargie aux chirurgiens au sein du cours avancé de chirurgie en missions extérieures en 2008.
Tous les médecins militaires ont accès à un site d’e-learning comportant (entre autres) l’ensemble des cours de référence d’échographie sur la plateforme de l’École du Val de Grâce depuis 2012. Le programme spécifique de formation à l’échographie pour les opérations extérieures (Opex) a été publié en 2014 (1).
Enfin, la formation à l’échographie de l’ensemble des médecins militaires dès le 3e cycle a été mise en place cette année.
Très rapidement, ces démarches ont permis, comme l’ont illustré Aigle et al. (2), d’optimiser la gestion d’un blessé/patient en situation d’isolement en Opex en poste de secours (Ps ou rôle 1 définition de l'OTAN). Il est ainsi plus facile de décider la mise en œuvre de moyens précieux par ailleurs (mobilisation d’aéronef) voire d’annuler une mission (détournement d’un navire/sous-marin pour permettre l’évacuation d’un blessé…).
Pathologies cardiaques, rénales, abdominales
L’échographie est utilisée en routine pour l’évaluation de la fonction cardiaque et l’évaluation vasculaire veineuse.
Elle est également l’examen de première intention pour le diagnostic des pathologies des voies biliaires (cholécystite et colique hépatique), des pathologies des voies urinaires (colique néphrétique et pyélonéphrite), et de la pathologie pelvienne de la femme en âge de procréer (suspicion de grossesse extra-utérine notamment). L’échographie est une alternative au scanner pour le diagnostic d’appendicite aiguë.
Accidents de sport
En raison du niveau d'entraînement physique important, les pathologies musculotendineuses sont très fréquentes et la qualité du diagnostic lésionnel initial est fondamentale pour une bonne prise en charge des patients.
Dans le suivi d’un hématome, l’échographie pose ou révoque l'indication d'un drainage. Le cas de l’hématome de Morel Lavallée, fréquent en unité, illustre parfaitement son intérêt au Ps. Elle permet un diagnostic rapide (volume, localisation), le suivi et la décision de mise à plat. L’échographie est un des deux examens de première intention avec la radiographie pour le diagnostic de certaines complications comme la myosite ossifiante ou la cicatrice fibreuse.
Plusieurs études ont également validé l’échographie pour la détection de fractures. Selon Morvan et al. (3), l'existence d'une discontinuité brutale de la ligne hyperéchogène corticale est en faveur d'une fracture.
Dans les fractures de fatigue qui représentent 2,4 à 13,4 % des blessures en milieu militaire, l'échographie permet le diagnostic avant la radiographie.
Pathologies traumatiques
Le Focused Assessment with Sonography for Trauma (FAST) est indiqué pour la recherche d’épanchements péritoneaux et péricardiques chez les patients traumatisés instables. La nécessité d'explorer d’autres fenêtres, notamment pleuropulmonaires, a conduit au développement du E-FAST (E pour Extended) [4]. Avec une sensibilité de près de 75 % pour une spécificité de 98 %, le FAST présente certaines limites, expliquant la place prééminente du scanner dans cette situation… quand le scanner est disponible, ce qui n’est pas le cas en Ps.
Les traumatismes fermés de l'aorte abdominale et des gros vaisseaux s'inscrivent, en ambiance de combat, dans un contexte d'associations lésionnelles complexes et d'instabilité hémodynamique.
L’épidémiologie des blessés de guerre retrouve 49 % de lésions thoraco-abdominales chez les patients décédés. Les lésions des gros vaisseaux, le plus souvent aorte et artères iliaques et axillaires, sont la deuxième cause de mortalité. L’existence concomitante de lésions des gros troncs veineux est fréquente (5).
La mesure du diamètre du nerf optique est une mesure simple, facilitant le diagnostic d’hypertension intracrânienne.
La présence de corps étrangers non radio-opaques rend l’échographie intéressante d'autant qu'en Ps elle est la seule imagerie réalisable. En l'absence de diagnostic rapide et donc de retrait, de tels corps peuvent être responsables de complications infectieuses. L'échographie permet de guider l'extraction (2).
La dernière mise a jour de l’Allied Medical Publication 22, Requirements for Military Acute Trauma careTraining préconise la recherche échographique des épanchements péritonéaux et pleuraux (règle de 3 P), selon une logique d'E-FAST, par les physician assistants, au plus tôt, sur le terrain. Ce référentiel doit être appliqué par les médecins généralistes français déployés à l’avant.
(*) Professeur agrégé du Val de Grâce. Centre hospitalier de Bretagne Sud (CHBS) Lorient. École du Val de Grâce (EVDG)
(**) Professeur agrégé du Val de Grâce. Direction régionale du service de santé des armées (SSA), Lyon
(1) Favier JC et al. Med Armées 2014;42(4):309-15
(2) Aigle L et al. Med Armées 2012;40(3):267-72
(3) Morvan G et al. J de Radiologie 2005;86:1892-1903
(4) Kirkpatrick AW et al. J Trauma 2004;57:288-95
(5) Stannard A et al. J Trauma 2013;74:830-4
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