Il distance tous ses concurrents

L'irrésistible ascension de Trump

Par
Publié le 25/02/2016
Article réservé aux abonnés
L'irrésistible ascension de Trump

L'irrésistible ascension de Trump
Crédit photo : AFP

Le succès de Donald Trump est prodigieux. Personne n'aurait pu dire il y a quelques mois à peine qu'il serait capable de réduire à néant les Bush, Christie, Carson qui ont osé tenter de lui faire barrage. Sa vulgarité, la simplicité de son argumentation dans un monde si compliqué, son discours plein de formules et de provocations mais éloigné de tout programme cohérent font de lui l'un des candidats les moins préparés à l'immense fonction qu'il brigue. En se fondant sur des précédents historiques, on pouvait imaginer que sa candidature ne serait qu'un feu de paille, qu'elle ne résisterait ni aux manœuvres du parti républicain (qui souhaite un candidat plus crédible que M. Trump et qui ratisse plus large) ni à la stature de politiciens plus chevronnés que lui, comme Jeb Bush, Ted Cruz, Marco Rubio ou John Kasich, ni à la simple vérité historique selon laquelle un candidat sans formation politique finit pas être abandonné par l'électorat.

Le succès de Trump vient ce que son langage rejoint celui de ses admirateurs, qu'il parle comme eux, qu'il vomit Washington et ses connivences, qu'il se situe en dehors d'institutions disqualifiées aux yeux du public américain. Du coup, il échappe complètement aux instances du parti qui, elles-mêmes, ne parviennent pas à imposer un autre candidat aux électeurs républicains. Ce qui crée une équation politique inquiétante : si M. Trump finit par obtenir l'investure de son pari lors de la convention qui aura lieu à partir du 18 juillet à Cleveland (Ohio), il faudra, pour lui faire barrage, un candidat démocrate sérieux, capable d'obtenir la majorité absolue.

Hillary ou Bernie ?

Or que se passe-t-il dans le camp démocrate ? Hillary Clinton a battu Bernie Sanders au Nevada, mais seulement de quelques points. Le sénateur du Vermont reste donc dans la course. Tout se décidera sans doute lors du Super-Tuesday, le 1er mars. À cette date, onze États tiennent leurs primaires et, du côté démocrate, élisent 1004 délégués à la convention, soit 21 % d'un total de 4 763. Ce sera donc un jour décisif. M. Sanders n'ignore nullement que les minorités noire et hispanique sont plutôt favorables à Hillary Clinton et il tente de convaincre ces deux électorats de voter pour lui. En tout cas, ce sera l'occasion pour Hillary Clinton, de montrer sa force, de prouver qu'elle est la candidate « naturelle » du parti démocrate et de mettre fin à l'ascension de M. Sanders. Si elle n'y parvient pas, le jeu est ouvert. 

On peut craindre alors que le sénateur du Vermont remporte assez de délégués pour obtenir l'investiture du parti démocrate, ce qui produirait une élection où les deux candidats à la présidence seraient l'extravagant M. Trump et l'outsider M. Sanders. Les deux candidatures ne sont pas comparables. M. Trump abaisse le débat, M. Sanders l'élève en réclamant pour le peuple américain les avantages sociaux dont il est privé par des dépenses inutiles et par une dette accablante. Il n'y a rien, dans ce que dit M. Sanders, d'irréalisable. Des salaires augmentés par une meilleure répartition des fruits de la croissance, un système de retraites plus généreux, une protection plus sûre contre la maladie, la riche Amérique serait parfaitement capable de les donner en réorientant ses priorités budgétaires et en forçant les grandes entreprises et les riches à rendre gorge. Autant la France a besoin d'être libérée des contraintes étatiques, autant les États-Unis ont besoin de régulations plus contraignantes. 

Dans ces conditions, pourquoi ne pas souhaiter la victoire de M. Sanders ? Parce que, en dépit de la faible crédibilité de M. Trump, le sénateur, qui se déclare publiquement socialiste, ne fera pas le poids et que sa victoire à la convention démocrate signera en même temps la défaite de son camp.  Mme Clinton est sans nul doute une candidate du « système ». Toute la question est de savoir si une révolution sociale n'est pas prématurée et si les forces politiques en présence permettent d'espérer la victoire finale d'un candidat socialiste.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9474