Hyperglycémie en début de grossesse

Mieux identifier les femmes à risque de diabète gestationnel

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Publié le 19/03/2018
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Crédit photo : PHANIE

Les recommandations de l’International Association of the Diabetes and Pregnancy Study Groups (IADPSG) de 2010 sur le diagnostic du diabète gestationnel (DG) ont non seulement établi les modalités de dépistage du DG entre 24 et 28 semaines de grossesse, mais également proposé des critères diagnostiques de diabète de type 2 méconnu antérieur à la grossesse, et une définition du diabète gestationnel précoce (lire encadré).

L’adoption de ces critères s’est traduite par une augmentation très importante de la prévalence du DG. En France, elle est passée de 6,4 % en 2011 à 9,3 % en 2014, selon les données du SNIIRAM, une hausse surtout tirée par les DG dépistés précocement. « Ces derniers concernent donc de nombreuses femmes, de 30 à 40 % de la population prise en charge pour un DG, avec des conséquences médicoéconomiques importantes, pour un bénéfice qui n’est pas clairement démontré », indique le Pr Emmanuel Cosson (Bondy).

Deux vastes études montrent en effet que l’existence d’une hyperglycémie (entre 0,92 à 1,25 g/L) n’est pas toujours prédictive d’un DG tardif. Dans une série italienne, plus de la moitié (55 %) des femmes qui avaient une glycémie à jeun ≥ 0,92 g/L en début de grossesse avaient une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) normale à 24 semaines. Des données similaires ont été retrouvées dans une étude chinoise : moins d’un tiers des femmes qui avaient une glycémie à jeun ≥ 0,92 g/L lors de la première visite prénatale avaient toujours une hyperglycémie à 6 mois de grossesse.

Des données discordantes sur le pronostic

En termes de pronostic, on aurait pu penser que la prise en charge précoce des femmes ayant un DG se traduirait par une réduction des complications materno-fœtales. « Or les données sont très discordantes, avec finalement peu de différence, que le diagnostic ait été fait avant 12 semaines de grossesse ou entre 24 et 28 semaines, rapporte la Pr Vambergue. Notamment, une métaanalyse a mis en évidence un surrisque de mortalité en cas de DG précoce, mais ce travail est critiquable car les populations des études analysées sont très différentes. Un travail régional a montré que le pronostic est le même qu’il s’agisse d’un DG précoce ou tardif, mais que le nombre de femmes sous insuline était plus élevé dans le premier cas ». « Les résultats d’une étude observationnelle menée sur plus de 8 000 femmes, comparant dépistage précoce à dépistage conventionnel seront présentés au congrès », précise le Pr Cosson.

Un dépistage en chantier

Toute la question aujourd’hui est donc d’éviter les surdiagnostics et de mieux identifier, en début de grossesse, les femmes à risque de DG, qui sont celles qui doivent bénéficier d’une prise en charge relativement contraignante, associant mesures hygiénodiététiques, autosurveillance glycémique et insulinothérapie dans de 30 à 40 % des cas.

Il est évident que le dépistage en début de grossesse ne doit concerner que les femmes avec facteurs de risque, mais certains de ces facteurs pourraient avoir un impact plus important que d’autres : « la prise en charge d’une femme ayant une hyperglycémie et un surpoids paraît intuitivement plus utile que celle d’une femme ayant la même hyperglycémie mais entrant dans la population à risque parce qu’elle a 36 ans », note lA Pr Vambergue, qui précise que cela sera analysé dans un prochain projet hospitalier de recherche clinique (PHRC).

Les modalités mêmes du dépistage précoce sont par ailleurs débattues : faut-il revoir à la hausse le seuil de 0,92 g/L, faut-il un seul dosage de la glycémie ou plusieurs, et à quel terme, compte tenu de l’évolution du métabolisme glucidique pendant la grossesse, faut-il plutôt doser l’HbA1c ?

Pour répondre à toutes ces questions, il est nécessaire de mettre en place des études prospectives randomisées contrôlées, à l’instar du PHRC qui comparera dépistage précoce et dépistage tardif.

Entretiens avec les Prs Emmanuel Cosson, Bondy, et Anne Vambergue, Lille

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Bilan Spécialiste