Né à Kaysersberg, annexé comme le reste de l’Alsace par l’empire allemand depuis la fin de la guerre de 1870, Albert Schweitzer était un bébé si rachitique que les médecins incitèrent son père, pasteur luthérien, à s’installer à Gunsbach (Munster) où l’air était réputé plus pur. Après quelques années passées à l’école locale, dont son père était également l’instituteur, et à jouer chaque dimanche sur l’orgue paroissial, Schweitzer partit en 1885 à Mulhouse où il obtint son Abitur (l’équivalent du bac en Allemagne) en 1893 et où ses talents d’organiste purent s’aguerrir, capable à l’âge de 15 ans de jouer sur l'instrument de l'église Saint-Étienne, orgue à 3 claviers et 62 jeux et à seize ans de donner son premier concert public.
Son Abitur en poche, s’inscrivit à l’université de Strasbourg pour y suivre des cours de philosophie luthérienne et de philosophie, se rendant régulièrement à Paris pour y suivre l’enseignement de Charles-Marie Widor, le plus fameux organiste de son temps.
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Un premier livre consacré à Bach, le " musicien-poète "
Docteur en philosophie le 2 août 1899 puis docteur en théologie et vicaire à l'église Saint-Nicolas de Strasbourg en 1900, Schweitzer est nommé professeur à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg en 1902 et y est chargé de l'enseignement du Nouveau Testament. Il consacre son temps libre à écrire des ouvrages consacrés à la musique, dont le célèbre "Jean-Sébastien Bach, le musicien poète “.
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Des études médicales commencées à l’âge de 30 ans
En automne 1904, un article paru dans le " Journal des Missions évangéliques de Paris", consacré au manqué de médecins volontaires en Afrique, va décider Schweitzer à entreprendre des études médicales.
Reçu docteur en médecine en 1913, Schweitzer s’embarque pour Lambaréné (alors en Afrique Équatoriale Française) le 21 mars, en compagnie d'Hélène Bresslau, une allemande de famille juive, dont le père devait être expulsé d’Allemagne après 1918.
Albert et Hélène Schweitzer débarquent en pirogue à Lambaréné le 16 avril 1913 où ils fondent leur premier hôpital sur le terrain de la mission évangélique de Paris ; Albert Schweitzer donne des séries de concerts d'orgue afin d'aider au financement de son hôpital, modeste dispensaire qui va devenir progressivement un village-hôpital de bois, de tôle et de torchis dans lequel le médecin alsacien soignera sans relâche de 1913 à 1965 « ses indigènes ».
[[asset:image:2566 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Les premières consultations données par Schweitzer, chaque jour de 8h30 à 18 h, se déroulèrent dans un poulailler de Lambaréné transformé en cabinet médical. Il voulait que ses malades continuent à voir le ciel et que les malades vivent à l'hôpital aussi librement que possible entourés de leur univers familier. Tout en dispensant ses soins, Schweitzer ne se privait pas de s’insurger contre le colonialisme :
« Notre culture divise les gens en deux classes : les hommes civilisés, un titre accordé à ceux qui effectuent le classement ; et les autres, qui ont seulement forme humaine, et qui pourraient périr ou être jetés aux chiens pour ce que les « hommes civilisés » en ont à faire.
Oh, cette « noble » culture qui est la nôtre ! Elle parle si pieusement de dignité humaine et de droits humains, puis faillit à respecter cette dignité et ces droits d'innombrables millions avant de les fouler à ses pieds, au prétexte qu'ils vivent outre-mer ou que leurs peaux sont de différentes couleurs, ou qu'ils ne peuvent pas « s'aider eux-mêmes ».
Cette culture ne sait pas combien elle est creuse et misérable et pleine de désinvoltes parlottes, combien banale elle paraît pour ceux qui la suivent par-delà les mers et voient ce qu'elle a commis là-bas [...]
Je ne vais pas énumérer tous les crimes perpétrés au nom de la justice. Des gens ont volé les indigènes de leurs terres, en ont fait des esclaves, libérant sur eux la vermine de l'humanité. Pensez aux atrocités commises sur ces populations rendues serviles [...] et tout ce que nous avons fait... Nous les décimons, puis par un trait de stylo, prenons leurs terres si bien qu'ils n'ont plus rien du tout...
Si toute cette oppression et tout ce péché et cette honte sont perpétrés sous l'œil du Dieu germain, ou du Dieu américain, ou du Dieu britannique, et si nos états ne se sentent pas obligés premièrement de laisser de côté leur affirmation d'être « chrétien » — alors le nom de Jésus est blasphémé et tourné en dérision. Et la Chrétienté de nos états est blasphémée et tournée en dérision devant ces pauvres gens. Le nom de Jésus devient imprécation, et notre Chrétienté - votre et mienne - devient contre-vérité et disgrâce, si les crimes ne sont pas suivis de réconciliations là même où ils furent commis. Car pour toute personne ayant commis au nom de Jésus un crime, quelqu'un doit s'avancer pour aider au nom de Jésus ; pour toute personne qui vole, quelqu'un doit apporter compensation ; pour chaque personne qui maudit, une autre doit bénir.
Et dorénavant, lorsque vous parlez de missions, laissez ceci être votre message : Nous devons restaurer l'harmonie pour tous ces crimes lus dans les journaux. Nous devons recréer l'harmonie pour ces crimes, encore pires, à propos desquels nous ne lisons rien dans les magazines, ces crimes étouffés dans le silence nocturne de la jungle... »
Placé en résidence surveillée quand la guerre éclate
Le 1er août 1914, la guerre éclata en Europe et, citoyens allemands, les Schweitzer furent placés en résidence surveillée et se retrouvèrent consignés dans leur case, avec interdiction de communiquer avec quiconque. Peu après, ils reçurent l'ordre de rentrer en France, prisonniers des autorités françaises. Dans la cabine du bateau qui les ramènait, ils furent consignés sans le moindre ménagement. À Bordeaux, les Schweitzer furent enfermés dans des baraques inconfortables et insalubres et Albert souffrit d’une dysenterie qui acheva de l’épuiser.
La nationalité française obtenue en 1918
Par la suite, les époux Schweitzer furent déportés et incarcérés comme prisonniers civils dans les Hautes-Pyrénées à Notre-Dame de Garaison, puis à Saint-Rémy-de-Provence jusqu'en juillet 1918. De retour en Alsace, ruiné et couvert de dettes, Albert Schweitzer obtient la nationalité française, tout comme sa femme. et accepta un poste d'assistant en dermatologie à l'hôpital de Strasbourg et une place d’organiste à l'église Saint-Nicolas.
Après avoir suivi des cours d'obstétrique et de chirurgie dentaire ainsi que des conférences sur l’hygiène tropicale, Schweitzer, impatient de retourner en Afrique, réunit le nouvel équipement qu'il doit emporter à Lambaréné mais il embarqua seul pour l'Afrique le 21 février 1924, sa femme et sa fille ne supporteraient le climat du Gabon.
Retour en Afrique en 1924
Après avoir suivi des cours d'obstétrique et de chirurgie dentaire, des conférences d'hygiène tropicale, il réunit le nouvel équipement qu'il doit emporter mais il embarqua seul pour l'Afrique le 21 février 1924. En effet, ni sa femme ni sa fille ne supporteraient le climat du Gabon.
À Lambaréné, il ne retrouve que des ruines : les toits sont troués, les cases des malades écroulées. Rapidement la reconstruction et l'extension de l'hôpital sont reprises. Médecin le matin, architecte l'après-midi, Schweitzer doit faire face à un nombre croissant de malades. Les locaux reconstruits se révélant insuffisants. Schweitzer finit par négocier un nouvel emplacement à 3 km du premier hôpital.
Prix Nobel de la paix en 1952
En 1954, Schweitzer inaugura le Village Lumière, capable d’accueillir deux cents lépreux et leurs familles. Pour financer tous ses nouveaux projets, Schweitzer multiplia tout au long de sa vie les conférences et les récitals d’orgue, le forçant à revenir fréquemment en Europe. Ami personnel de la reine Élisabeth de Belgique et d'Albert Einstein, Schweitzer reçoit le prix Nobel de la paix1952. Il lui sera remis à Oslo le 4 novembre 1954. Mais alors qu’il est cité à l'ordre de la Nation de son vivant. son paternalisme est parfois taxé de colonialisme par une certaine presse qui parle de "ses méthodes arriérées". Les accusations se firent plus acerbes encore lorsque Schweitzer vantant les efforts poursuivis aux Etats-Unis par le Pasteur Luther King, déclarait que "Les méthodes employées au Congo par Moïse Tschombé, étaient plus réalistes et plus constructives que celles de l'ONU."
Fixé dans un des lieux les plus reculés de l'Afrique, Schweitzer voulut y mourir loin de sa patrie et de sa famille : "Je vous appartiens jusqu'à mon dernier souffl.", comme il l’expliqua aux Gabonais en 1960.
Dans son livre “« À l'orée de la forêt vierge, Schweitzer expliquait ainsi pourquoi il avait choisi de tout quitter pour devenir médecin en Afrique Equatoriale : " Divers écrits et des témoignages oraux de missionnaires m’avaient révélé la misère physique des indigènes de la forêt vierge. Plus j’y réfléchissais, plus j’avais peine à comprendre que nous, Européens, fussions si médiocrement préoccupés de la grande tâche humanitaire qui nous incombe en ces lointains pays. Il me semblait que la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare s’applique fort bien à nous. Le riche, c’est nous. Les progrès de la médecine ont mis à notre disposition un grand nombre de connaissances et de moyens efficaces contre la maladie et la douleur physique ; et les avantages incalculables de cette richesse nous semblent chose toute naturelle. Le pauvre Lazare, c’est l’homme de couleur. Il connaît autant et même plus que nous la maladie et la souffrance, et il n’a aucun moyen de les combattre. Nous agissons comme le mauvais riche, dont l’insouciance vis-à-vis du pauvre assis à sa porte était un péché, parce qu’il ne se mettait pas à la place de son prochain et ne laissait pas parler son cœur. »
Albert Schweitzer est mort à Lambaréné le 4 septembre 1965.
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