Très vite orphelin, Armand Trousseau, qui avait été destiné dans un premier temps à être professeur de lettres, bénéficia d’une bourse lui permettant de poursuivre ses études au lycée d’Orléans puis à celui de Lyon. Après avoir été répétiteur dans un collège de Blois puis professeur de rhétorique à Châteauroux, Trousseau va du jour au lendemain se tourner vers la médecine, retournant à Tours, sa ville natale, pour y suivre notamment l’enseignement de Pierre Fidèle Bretonneau, son père spirituel, qui va lui apprendre les méthodes d’observation clinique à l’hôpital général. Désireux de poursuivre sa carrière à Paris, Trousseau s’y fit vite connaître, s’opposant avec vigueur à l’enseignement de Broussais. Docteur en médecine en 1825, le Tourangeau obtint dès 1827 son agrégation.
Bretonneau et Récamier, ses deux maîtres
L’année suivante, Trousseau fut envoyé dans le midi de la France puis à Gibraltar par le comité de recherche sur la fièvre jaune pour tenter d’endiguer une épidémie naissante. Le travail qu’il effectua à cette occasion ainsi qu’une monographie sur la phtisie laryngée lui valurent à son retour à Paris l’admiration de ses pairs. Trousseau accepta alors un emploi de médecin des hôpitaux et devint l’assistant de Récamier en qui il trouva un autre maître. Une épidémie de choléra s’étant propagée dans la capitale en 1832, Trousseau écrivit à Bretonneau : « Savez-vous bien que c'est une effroyable maladie. Nous avons eu de 12 000 à 14 000 morts les 10, 11 et 12 avril ; les journaux ne pouvaient pas dire la vérité, c'eût été affreux. Mais dans nos hôpitaux, c'était désespérant : j'ai eu à l'Hôtel-Dieu un lit dans lequel quatre malades sont successivement morts dans l'espace de sept heures… »
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Un pionnier de la trachéotomie
Partageant les idées de Bretonneau sur la diphtérie qui avait mis en évidence la notion de spécificité morbide liée à la contagion par germe : « Un germe spécial, propre à chaque contagion, donne naissance à chaque maladie contagieuse. Les fléaux épidémiques ne sont engendrés, disséminés que par leur germe reproducteur », Bretonneau se révéla un pionnier de la trachéotomie qui commença à devenir opération courante à partir de 1837 à Paris. Trousseau put ainsi écrire : « Encore une petite fille de quatre ans sauvée : c'est ma 130e opération en tout, ma 120e pour le croup ; c'est ma 29e guérison. C'est à vous que tout cela appartient… Pour fermer la plaie, le procédé est joli : deux morceaux de taffetas d'Angleterre, de cette largeur et de cette grandeur ; à l'une des extrémités une sorte d'agrafe. »
En 1837, l’Académie médicale offrit un prix honorifique à Trousseau pour l’ensemble de l’œuvre accomplie à l’Hôtel-Dieu depuis 1830. Deux ans plus tard, le médecin tourangeau fut nommé à la chaire de thérapeutique et de pharmacologie de l’université de Paris. Il quitta alors l’Hôtel-Dieu pour rejoindre l’hôpital Saint-Antoine. Parallèlement, il se lança dans la politique et fut élu en 1848 député d’Eure-et-Loir au sein de l’Assemblée constituante dans les rangs des indépendants.
« Les cliniques médicales de l’Hôtel-Dieu », une véritable Bible
En 1850, Armand Trousseau fut intronisé à l’Académie de médecine. Rédacteur du « Journal des connaissances médico-chirurgicales », il publia par la suite un « Traité de thérapeutique » appelé à être réédité plus d’une trentaine de fois. Pourtant, ce sont ses « Cliniques médicales de l’Hôtel-Dieu » publiées en trois volumes entre 1857 et 1861 qui vont faire sa gloire. Rééditées jusqu’en 1931, elles seront la Bible de plusieurs générations d’étudiants tant ces leçons sur le croup, l’asthme, la diphtérie, les fièvres éruptives, la maladie de Basedow ou les goitres exophtalmiques étaient d’une extrême clarté. Ses laudateurs disaient qu’il avait l’élégance d’un romancier pour décrire ses cas cliniques.
[[asset:image:3056 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Armand Trousseau a également laissé son nom à la contracture de la main notamment observée dans les crises de spasmophilie (signe de Trousseau) et fut aussi l’inventeur de la thoracocentèse dans les pleurésies, technique qui sera améliorée par la suite par le Pr Delafoy.
Un cancer gastrique auto-diagnostiqué
L’auteur des « Cliniques médicales de l’Hôtel-Dieu » fut aussi un praticien d’une grande humanité et quand il y avait un cas désespéré on pensait toujours à lui en premier. Mais, en 1867, Trousseau ressentit les premiers symptômes d’un cancer gastrique : « Je suis perdu, une phlébite qui vient de se déclarer ne me laisse plus aucun doute sur la nature de mon mal », prophétisa-t-il à un de ses élèves, M. Peter, se souvenant de ses observations sur le lien entre certaines phlébites et cancer gastrique. La rumeur de sa maladie s’étant répandue dans les hôpitaux, beaucoup de ses patients furent affolés, telle cette mère qui, comme le rapportent les Goncourt dans leur Journal, arriva dans le service de Trousseau en s’écriant : « On dit que vous allez mourir, que va devenir mon enfant ? ». Trousseau sourit alors et lui fit de longues recommandations avec l’amabilité dont il ne se départissait jamais. Conformément à son diagnostic, Trousseau, dont la devise était : « La médecine est l’art de guérir, elle n’est que cela », mourut six mois plus tard de son cancer, le 27 juin 1867.
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