M AINTENIR ou abroger le moratoire sur l'autorisation de cultures de nouveaux OGM, telle reste la question. Et l'Europe n'a pas toujours pas tranché dans le vif des légumes transgéniques.
La directive européenne (loi), adoptée définitivement, en troisième lecture, par une large majorité des eurodéputés, prévoit de nouvelles mesures de précaution, avec la création de registres publics répertoriant la localisation des cultures, tant expérimentales que commerciales, ainsi que le suivi obligatoire après la mise sur le marché de produits issus d'OGM et l'harmonisation européenne de l'évaluation des risques.
La législation « la plus stricte du monde »
Mais elle peut être diversement interprétée, en effet, selon que l'on y voit, comme son rapporteur, le Britannique David Bowe, « le début de la fin du moratoire informel encore en vigueur » ou que l'on y décèle, comme l'Italien Guido Sacconi, la nécessité que ledit « moratoire reste en vigueur aussi longtemps que les lacunes ne seront pas comblées ».
Le sentiment prévaut cependant, à Strasbourg, que la nouvelle directive renforce la législation qui régit depuis 1992 la commercialisation des organismes génétiquement modifiés, et en fait même « la plus stricte du monde ».
Pratiquement, une nouvelle obligation est instaurée, avec l'ouverture de registres publics sur la localisation des OGM utilisés dans la recherche et dans le commerce. Est instauré, d'autre part, un suivi obligatoire après la mise sur le marché de produits issus d'OGM, favorisant l'harmonisation européenne de l'évaluation des risques.
Plus tard, dans le courant de l'année, la Commission européenne devra présenter de nouvelles propositions législatives pour améliorer l'étiquetage et la traçabilité des OGM, c'est-à-dire la possibilité de les suivre de la culture jusqu'à l'assiette, quand ils entrent dans la composition des aliments.
Justement, on reste dans l'attente. Certes, admettent dans un communiqué commun les ministères français de l'Agriculture, de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement et des PME, la nouvelle réglementation apporte bien « des améliorations sur les conditions de transparence, d'accès du public à l'information, de surveillance biologique du territoire, d'élimination progressive des marqueurs de résistance aux antibiotiques et de ratification du protocole de Carthagène* sur la biosécurité ».
Toutefois, « dans l'attente de progrès importants restant à accomplir pour aboutir à une traçabilité complète des OGM et des produits dérivés permettant de garantir la loyauté des transactions jusqu'au consommateur final par un étiquetage fiable et de renforcer la surveillance environnementale et sanitaire », la France, appuyée par l'Italie, la Grèce, le Danemark, le Luxembourg et l'Autriche, « affirme la nécessité de maintenir » le moratoire. Paris en appelle même à « l'établissement d'un régime de responsabilité environnementale, indispensable pour compléter le cadre réglementaire nécessaire à un développement dans le domaine des biotechnologies, comme dans d'autres domaines environnementaux ».
José Bové en butte à la justice et à son père
Pour l'heure, le débat franco-français sur la question continue de défrayer la chronique judiciaire. Ainsi, le champion de la croisade anti-OGM, José Bové, sera fixé sur son sort pénal le 15 mars, après les réquisitions, la semaine dernière, du procureur de la République de Montpellier, qui a demandé trois mois de prison ferme contre lui, à la suite de la destruction de plants de riz génétiquement modifiés appartenant au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Défendant le « droit à la recherche », le centre , tout en affirmant qu'il « n'est ni pour ni contre les organismes génétiquement modifiés », s'est porté partie civile pour « protester contre cette destruction d'un outil de travail de chercheurs et pour défendre la mission de la recherche publique ». Il chiffre à 4 millions de francs le préjudice subi.
Le Robin des Bois de la guérilla anti-OGM comparaît à nouveau aujourd'hui et demain, toujours à Montpellier, mais cette fois devant la cour d'appel, pour sa participation au démontage du McDonald's de Millau, en août 1999. Le tribunal de Millau l'avait condamné pour ces faits, en premier instance, à trois mois de prison ferme en septembre dernier.
Le porte-parole de la Confédération paysanne est aussi en butte aux foudres paternelles (« le Quotidien » du 5 février) ; M. Bové père, Joseph-Marie de ses prénoms, microbiologiste à la retraite, s'est en effet répandu dans les colonnes de « Newsweek » contre les agissements de son célèbre rejeton. « Je trouve inadmissible que l'on s'en prenne aux cultures transgéniques expérimentales », confirme au « Quotidien » cet ancien directeur de l'INRA à Bordeaux. Assailli par « des milliers » d'appels de journalistes, depuis la parution du magazine américain sur le conflit de générations entre Bové junior et Bové senior, ce dernier tient à corriger un certain nombre d'inexactitudes concernant son cursus de recherches ; « J'ai bien identifié en 1990 l'agent causal d'une bactérie qui s'attaquait aux orangers brésiliens, le xyllela fastidiosa, explique-t-il au « Quotidien », mais c'est une équipe brésilienne qui en a découvert le séquençage génomique, le premier pour une bactérie phytosanitaire et ses travaux ont été publiés dans la revue "Nature" du 13 juillet. On ne peut donc m'attribuer d'avoir vaincu un fléau à cette occasion, les applications horticoles n'étant d'ailleurs pas attendues avant une dizaine d'années. »
Ceux qui brûlaient les sorcières au Moyen-Age
De même, M. Bové père dément avoir jamais mené de quelconques travaux sur une « banane magique », susceptible de prévenir chez ses consommateurs l'apparition des caries dentaires.
Mais le scientifique se garde, au final, de lancer des anathèmes contre son fils, confessant des liens d'affection avec lui bien plus forts que la querelle sur les OGM. Même s'il n'hésite pas à comparer « les fanatiques qui s'en prennent aux cultures transgéniques » à « ceux qui brûlaient les sorcières aux Moyen Age ».
* Document adopté en mars 2000 par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui faisait le point sur les aspects scientifiques et sanitaires des aliments génétiquement modifiés.
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