Vous appelez à la participation des Français. Pourtant, le Conseil scientifique pointe l’absence du comité de liaison dans le dispositif qui aurait justement permis une plus grande implication sociétale.
C’est selon moi un paradoxe. La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades est l’une des premières que j’ai apprise sur les bancs de Sciences-Po. Je suis très attaché à la démocratie sanitaire pour ce qu’elle apporte. On a assisté à la métamorphose du patient, passif, en usager, en ayant droit. Le rapport à la santé a alors émergé dans le discours politique. Il doit être entendu comme tel. Si je vais plus loin, Georges Canguilhem a écrit : « La santé a remplacé le salut. » C’est la préoccupation principale des Français selon toutes les enquêtes. Alors que ceux-ci revendiquent le droit à la santé, quelle est la place que nous leur accordons dans le processus de décision ? Je veux bien entendre que nous n’avons pas été suffisamment performants en matière de démocratie sanitaire. Je peux plaider coupable pour cela en rappelant toutefois l’urgence des décisions à prendre, la vitesse fulgurante de la vague épidémique, les conséquences sanitaires mesurées au jour le jour, d’heure en heure et de l’inconnu total que représentait le premier pic épidémique du printemps. Ces décisions relèvent en France du régalien c’est-à-dire du pouvoir de l’État, jugé ensuite pour avoir agi bien ou mal. Faut-il dans le processus de décision passer par le dispositif du jury citoyen ? Je ne le crois pas. Je revendique le rôle régalien de la gestion de la crise sanitaire. Pour autant, je me suis efforcé du mieux que j’ai pu à exposer la stratégie que nous adoptions aux Français. Je suis médecin, médecin neurologue. J’ai eu à annoncer à mes patients des maladies complexes comme la sclérose latérale amyotrophique. Il faut redoubler de pédagogie pour expliquer un motoneurone, un muscle strié et faire saisir l’évolution redoutable de la maladie. J’ai été formé à cela. Il ne s’agit pas de travestir une mauvaise nouvelle en bonne nouvelle, mais de la rendre intelligible, de donner des clés de lecture et de compréhension au patient, afin de le rendre acteur de sa maladie. J’ai gardé la même logique en tant que ministre. Qu’a-t-on fait en pratique en matière de démocratie sanitaire ? Nous avons eu de multiples échanges avec France Assos Santé, y compris avant l’annonce du confinement par le président de la République. J’ai veillé à ce que toutes les agences régionales de santé associent systématiquement les représentants des usagers aux cellules de coordination territoriale. C’est globalement devenu la règle.
Un ouvrage récent (voir Décision & Stratégie Santé N° 322) pointe l’hyperconcentration de la prise de décision lors de la crise sanitaire.
Toutes les décisions prises dans le domaine de la santé ont fait l’objet d’une saisine par le Haut Conseil de santé publique, organisme indépendant. Systématiquement en cas de choix sociétaux, le Conseil consultatif national d’éthique a été saisi, à titre d’exemple pour le confinement en chambre des personnes âgées en Ehpad. En réalité, les organismes indépendants du pouvoir politique ont été activés et ont réalisé un travail monumental. Aucune décision n’a été prise sans concertation avec les experts en respectant l’indépendance de chacun. Prenons maintenant le conseil scientifique. Tous ses avis sont publiés, y compris ceux qui ne nous plaisent pas. Jamais une parole n’a été bridée. Nous agissons avec transparence, et je crois que les Français le voient. La majorité des Français a conscience des efforts accomplis. C’est pourquoi ils nous accordent leur confiance.
Pourquoi avoir activé le plan blanc et non pas le plan de pandémie grippale ?
Parce que le plan pandémie grippale ne prévoit pas une déprogrammation massive nationale dans tous les établissements par anticipation. Si nous ne l’avions pas fait, au regard de la puissance de la vague, nous aurions connu la situation italienne. Le plan pandémie grippale nous a aidés pour tout le reste. Nous avons eu recours par exemple aux réseaux sentinelles au début de la crise lorsque les tests PCR n’étaient pas encore disponibles.
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