Pendant le confinement, les hôpitaux ont décidé d’interdire la visite aux personnes extérieures afin de prévenir la propagation de la pandémie de Covid-19 et protéger la santé des patients hospitalisés.
Actuellement interne en service de gériatrie, j'ai pu observer combien ces mesures ont été difficiles à accepter pour bon nombre de patients et leurs familles. Les seuls échanges n'ont pu se tenir qu'au téléphone. Et certains sont malheureusement partis sans avoir pu dire au revoir à leurs proches. Ces moments ont aussi été mal vécus par les soignants, qui voient au quotidien la détresse de ceux qu’ils soignent. Je me souviens, au début du confinement, de l’appel d’une dame qui ne comprenait pas qu’on l’empêche de voir son mari : « Vous savez Docteur, je ne suis pas malade, et si vous ne me laissez pas voir mon époux, son état va se dégrader, j’en suis certaine ! On ne peut pas rester dans cette situation sans rien faire ! ». Bien malgré moi, je ne pouvais rien y changer.
Mais récemment, les familles ont été autorisées à rendre visite à un proche dont le pronostic vital était réservé, en respectant les mesures barrière : pas plus d’une personne par visite, masque obligatoire, distanciation d'un mètre minimum et aucun contact physique. Cela a permis aux patients de retrouver un contact visuel avec leurs proches et de se sentir moins seuls dans leurs derniers moments.
Je me souviens aussi d’une patiente de 92 ans, Alzheimer, avec multiples comorbidités dont un cancer en phase palliative… On savait tous à son arrivée qu’elle n’en ressortirait probablement pas. Après discussion avec la famille et la patiente, nous avons convenu, avec avis de l’infectiologue de mon hôpital, d’arranger une rencontre pendant le week-end entre la fille et sa mère. J’apprends en revenant lundi que la rencontre a pu se dérouler sans problème mais que l’état de ma patiente s’est rapidement dégradé après la visite. J’ai pu aller la voir, lui rappeler que sa fille était venue et qu’elle pensait à elle. Dans un ultime effort, elle m’a adressé un regard apaisé, qui me restera certainement en mémoire toute ma vie. Je prends le temps de l’examiner, de lui dire que ça va aller et que je repasserai la voir. Je continue ma visite comme d’habitude, et un quart d’heure plus tard, l’infirmière vient me trouver. Ma patiente était partie. Comme si la visite de sa fille et le besoin de savoir qu’elle pensait à elle étaient les seules choses qui la retenaient avant de s’en aller en paix.
Nous vivons une période anxiogène, remplie de doutes, et sommes contraints par un virus bâtisseur de frontières qui nous éloigne les uns des autres. Or c’est justement dans ce genre de moments qu’on a le plus besoin de se sentir proche, entouré et soutenu.
Je suis heureux de savoir que ma patiente est partie dans un contexte serein, et j’espère pouvoir retrouver ces conditions pour de plus en plus de patients, eux pour qui un au revoir à ceux qui leur sont chers reste encore bien trop rare.
Dr Mus, en 2e année d’internat dans le Sud-Ouest, dépeint sur Youtube, avec un sens aigü de la dérision, la vie des étudiants en médecine.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature