L E séjour aux sports d'hiver expose non seulement aux conditions climatiques et atmosphériques propres à l'altitude mais aussi à celles que la vie « moderne » a engendrées : appartements surchauffés, de petite taille et aux moquettes poussiéreuses ; courants d'air glacés dans les galeries marchandes, queues et bousculades aux remontées mécaniques... Le degré de tolérance et de résistance individuelle va, par conséquent, conditionner le niveau de satisfaction au retour des vacances.
Voies respiratoires
L'air s'assèche avec l'altitude. Cela ne pose pas de problème à l'extérieur du fait de l'existence d'un écoulement nasal. Mais à l'intérieur des appartements, l'isolation (parfois excessive), le chauffage électrique ou par le sol aggravent la sécheresse des muqueuses. La symptomatologie est d'autant plus marquée qu'il existe un certain degré d'hyperventilation en raison de l'hypoxie d'altitude.
La sécheresse des muqueuses entraîne une obstruction nasale qui gêne le sommeil des bébés (et des adultes), des douleurs des sinus de la face avec céphalées au réveil, des toux spasmodiques, voire des laryngites aigus et des bronchospasmes. Les patients asthmatiques ne comprennent d'ailleurs pas pourquoi leur médecin leur a conseillé d'aller à la montagne alors que leurs symptômes s'aggravent. Certes, l'arbre bronchique est préservé du fait de l'absence de pollution et de pollens (l'hiver), mais à condition que la température dans l'appartement reste inférieure à 15 ° la nuit avec, si possible, une casserole d'eau sur le « feu ».
Face à certains tableaux, les médecins de terrain ont parfois recours à des sprays de bronchodilatateurs, à une corticothérapie per os (prednisolone 1 mg/kg), voire, en cas d'asthme plus grave, à la nébulisation de salbutamol ou de terbutaline sous 6 à 8 l/min d'oxygène.
En cas de laryngite, si l'humidification et les corticoïdes ( per os ou injectables) ne sont pas suffisants, une nébulisation d'adrénaline combinée à un corticoïde s'impose, après avoir éliminé une épiglottite.
Dilatation des gaz contenus dans les cavités
Du fait de la baisse de la pression atmosphérique, les gaz contenus dans les cavités se dilatent. L'excès de pression dans les sinus et l'oreille moyenne peut donner des douleurs, une sensation d'oreille bouchée, voire une otite barotraumatique.
Les conséquences de la dilatation des gaz digestifs sont tout aussi fréquentes mais moins connues. Elles expliquent la survenue d'un syndrome nauséeux, de douleurs, de ballonnements pouvant faire suspecter une crise appendiculaire ou une invagination intestinale aiguë chez le nourrisson. Les tableaux pseudo-occlusifs se voient en cas de constipation associée, favorisée par la déshydratation (déperdition accrue par les voies aériennes et cutanées, souvent non compensée) et l'alimentation déséquilibrée. Le traitement est symptomatique (antispasmodiques et antalgiques, hydratation, conseils diététiques, laxatifs, voire lavements).
Voies urinaires
Les pathologies des voies urinaires résultent une fois encore de la déshydratation relative mais aussi des longs trajets en voiture, en train, en avion, pour se rendre en station. Les cystites et, surtout, les coliques néphrétiques sont fréquentes. Ces dernières imposent un traitement antalgique en urgence.
Peau sèche
L'air sec provoque un assèchement de la peau majoré par l'action du vent et du soleil qui se traduit par des dartres, une chéilite, voire une poussée d'eczéma chez les enfants ou les personnes prédisposées. Il faut conseiller de moins se laver, de préférer les douches aux bains, en utilisant des savons surgras, des pains dermatologiques sans savon, des émollients, des « cold creams ».
Rayonnement solaire et réverbération
Le couple UV et réverbération (même les jours sans soleil) exige l'application d'« écrans » solaires plutôt que de « filtres » solaires qui peuvent contenir des substances sources de photosensibilisation, comme la fameuse bergamote.
Différentes lésions peuvent survenir :
- des photosensibilisations avec des médicaments pendant tout l'hiver ;
- des poussées d'herpès « géants » de la face, également pendant l'hiver
- des brûlures solaires et des réactions cutanées phototoxiques avec de volumineux dèmes sur le front et autour des yeux, à partir du mois de mars ;
- sur le plan ophtalmologique, la classique ophtalmie des neiges est assez rare, car les lunettes sont bien utilisées. Les manifestations de larmoiements douloureux chez les porteurs de lentilles et les récidives d'uvéite sont plus fréquentes.
Décompensation denévroses bénignes.
Les téléportées, le vide, la sensation d'enfermement dans les cirques de montagne peuvent favoriser les attaques de panique. La classique crise de « spasmophilie » cède en rassurant, en faisant cesser l'hyperventilation, voire en s'aidant d'un anxiolytique par voie sublinguale.
MST, contraception
Les rencontres amoureuses sont potentiellement source de MST qui se révèlent au retour des vacances. La demande de pilule du lendemain qui était l'apanage des vacanciers des pays du nord de l'Europe est maintenant bien connue des Français. Il faut penser à bien interroger la femme (ou le couple) sur la nature précise de la demande car des confusions sont possibles entre pilule du lendemain, pilule contraceptive, préservatif et chimioprophylaxie après un rapport non protégé.
Comorbidité chez les seniors
De plus en plus de seniors font du ski. La survenue de décompensations de pathologies cardio-vasculaires (OAP sur insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde...) est favorisée par le froid, l'effort inhabituel et probablement l'altitude (surtout pour l'dème aigu du poumon). Dans ce cas, le médecin de station est le premier maillon de la chaîne des secours avant la prise en charge par un SMUR, seul habilité à pratiquer une thrombolyse préhospitalière en cas d'infarctus.
A noter que les personnes sous antivitamines K sont susceptibles de présenter des hémorragies graves lors d'accidents de ski. Le traitement anticoagulant devrait être une contre-indication à la pratique du ski.
Des différences physiologiques entre cur sain et cur malade
Le Pr ean-Paul Richalet, physiologiste à l'hôpital d'Avicenne (Bobigny), est un expert de l'adaptation de l'organisme à l'altitude. Pour lui, les risques d'accidents cardiaques sont liés à l'environnement, en particulier au froid, à l'hypoxie et à l'effort physique, mais « il faut nettement distinguer le sujet au cur sain du sujet porteur d'une coronaropathie ou d'une hypertension. Le cur sain réagit très bien à l'altitude par une accélération du rythme cardiaque due à l'augmentation des catécholamines dans un premier temps, suivie d'un ralentissement par désensibilisation des récepteurs cardiaques secondairement. En revanche, sur un cur pathologique, l'effort ajouté au manque d'oxygène fait que le seuil de déclenchement d'une coronaropathie s'abaisse. L'élément le plus important à prendre en compte dans ce cas est l'accélération de la fréquence cardiaque, car elle augmente la consommation d'oxygène du myocarde pour un même niveau d'effort.La montée rapide en altitude avec les remontées mécaniques n'entre pas en jeu, car l'adaptation à l'hypoxie se fait sur plusieurs jours, mais pas en deçà. Chez les hypertendus, il existe une petite majoration de la pression artérielle dans les deux premiers jours par activation adrénergique globale, néanmoins compensée par la vasodilatation périphérique. Les patients sous bêtabloquants peuvent être gênés au-dessus de 3 000-3 500 mètres d'altitude du fait d'une suppression de l'activation adrénergique, car ils ne peuvent pas augmenter leur extraction d'oxygène en altitude (à la différence du niveau de la mer). Le froid (et le vent) peut aussi contribuer à déclencher une crise d'angor par des mécanismes réflexes, principalement au niveau du visage. Des vêtements et une protection du visage adéquates sont suffisants en France ».
La pertinence de l'épreuve d'effort
« La prédictivité de l'épreuve d'effort est intéressante s'il existe au moins deux autres facteurs de risque, rappelle le Pr Richalet. Un test d'effort en hypoxie, pratiqué dans quelques centres en France pour les personnes qui se rendent en très haute altitude, ne peut évidemment pas être proposé pour les skieurs. Aucune donnée de la littérature ne permet de dire aujourd'hui s'il y a plus d'accidents cardiaques sur piste de ski qu'au niveau de la mer en jouant au tennis, par exemple. Les études qui ont été menées dans le Colorado sur des vétérans (60-70 ans) coronariens n'ont pas mis en évidence d'accidents ischémiques plus fréquents sur piste que dans le lieu de vie habituel. »
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