En raison du grand nombre de substances injectées, la période périopératoire est à risque de réaction allergique, IgE-médiée ou non. Les travaux du réseau du Groupe des études des réactions anaphylactiques peranesthésiques (Gerap) ont permis de préciser l’incidence des anaphylaxies IgE-dépendantes, estimée en France à 1 pour 10 000 anesthésies. Les curares sont la première cause d’anaphylaxie peropératoire, suivis par les antibiotiques, dont l’implication augmente d’années en années et qui sont désormais en cause dans 20 % des cas. En troisième position viennent les colorants, en premier lieu le bleu patenté. « Les allergies au latex sont en revanche en diminution grâce aux stratégies de prévention mises en place », souligne le Pr Paul Michel Mertes de Strasbourg. La situation dans les autres pays d’Europe est assez proche, curares et antibiotiques dominant les étiologies, à l’exception du Danemark où les allergies à la chlorhexidine, très utilisée, sont les plus fréquentes.
La mortalité liée à ces réactions, qui surviennent pourtant en milieu très médicalisé, est non négligeable, de l’ordre de 4 % pour les allergies au curare. Des chiffres comparables ont été récemment rapportés dans l’enquête NAP6, qui colligeait les réactions sévères survenues en Angleterre (1).
Curares : l’hypothèse de la pholcodine
Ces données soulignent l’importance de la prévention. La prévention primaire est rarement possible, sauf pour le latex. Pour les curares, la structure ammonium quaternaire est la principale cause des allergies, et la sensibilisation pourrait être liée à l’utilisation antérieure de pholcodine, hypothèse qui est en cours d’étude. Et, bien sûr, une exploration avant l’anesthésie peut se justifier chez les patients à risque d’allergie au latex, tels que les enfants multiopérés ou les patients ayant des allergies alimentaires avec risque de réactions croisées (banane, avocat, fruits à coque…). La notion d’allergie aux antibiotiques reste en revanche souvent très vague, et, pour le Pr Mertes « l’un des enjeux des prochaines années est de mieux identifier les patients qui sont vraiment à risque d’allergie à ces médicaments ».
Adresser les patients à un centre spécialisé
La prévention secondaire, qui consiste à ne pas réexposer le patient au produit en cause, est essentielle. Elle se fonde sur la reconnaissance de la réaction et sur l’identification du produit. « L’anesthésiste doit absolument faire les prélèvements sanguins (notamment pour l’histamine, dont le taux est quasi maximal dès le début de la réaction, et la tryptase, dont l’élévation est fortement en faveur d’une allergie IgE-médiée) au moment de la réaction, et adresser les patients à un centre spécialisé », insiste le Pr Mertes. Le patient doit bénéficier d’une consultation spécialisée 6 semaines plus tard, afin que soit réalisé un bilan complet à la recherche du produit en cause. « Une quarantaine de centres, membres du Gerap, assurent ces consultations longues et complexes. Il importe de bien expliquer aux patients, souvent peu conscients de la gravité de l’accident, les enjeux de cette consultation, car en pratique un sur deux ne s’y rend pas », déplore le spécialiste.
« Le partenariat entre anesthésistes-réanimateurs, biologistes et allergologues, à la base de l’organisation du réseau Gerap, est essentiel pour mieux partager les connaissances. D’ailleurs, se félicite le Pr Mertes, notre modèle français fait école dans de nombreux pays d’Europe. »
Le partenariat entre anesthésistes-réanimateurs, biologistes et allergologues est essentiel
Entretien avec le Pr Paul-Michel Mertes, hôpitaux universitaires de Strasbourg
(1) Harper NJN et al. Br J Anaesth. 2018 Jul;121(1):159-171
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