On peut être en avance sur son temps puis se faire rattraper. C’est l’écueil qui guette les pièces historiques à l’image de l’Éveil du printemps, de Frank Wedekind, achevée en 1891 et montée pour la première fois par Max Reinhardt à Berlin en 1906. À l’époque, c’est un objet de scandale. Pour la première fois, l’adolescence dans toutes ses dimensions débarque sur une scène de théâtre. Et la sexualité au lieu d’être traitée sur le mode de la litote y est librement représentée à travers des scènes de masturbation collective ou homosexuelle. Shocking ! Un siècle plus tard, le parfum de scandale s’est éventé. A ce premier obstacle du temps qui passe, Clément Hervieu-Léger, fin metteur en scène, y ajoute une nouvelle difficulté. Les acteurs de la troupe de la Comédie-Française n’ont pas l’âge des rôles. Il s’en explique dans le dossier de presse en avançant l’idée que la pièce exige des acteurs expérimentés et non de vrais adolescents. La représentation est loin de confirmer la pertinence de ce parti pris. L’abstraction qui est ici privilégiée notamment par la scénographie imaginée par Richard Peduzzi renforce l’aspect discours de la méthode. Simplement, après Freud et Françoise Dolto, le spectateur moyen est pour le moins informé des difficultés de l’adolescence qui parfois débouchent sur le drame. Certes, le spectacle recèle des beaux moments. Le travail artistique est de grande qualité. On ne s’y ennuie pas une seconde pendant les trois heures de représentation sans entracte. Manque toutefois, le souffle et l’imprévisibilité, l’incandescence étrangement absente de cette pièce tout entière dédiée à l’éveil des sens comme si on était plongé du printemps à l’automne de la vie.
L’Eveil du printemps de Frank Wedekind, mise en scène par Clément Hervieu-Léger, Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au 8 juillet.
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