Problème de santé publique par sa prévalence (de 2 à 7 % des femmes enceintes selon les facteurs de risque) et par sa gravité, la prééclampsie est diagnostiquée devant l’association d’une hypertension artérielle (HTA) gravidique, c’est-à-dire apparaissant après 20 semaines d’aménorrhée (SA), et d’une protéinurie.
Bien que la mortalité due aux pathologies hypertensives gravidiques a diminué de moitié en 10 ans (1), la prééclampsie reste une complication majeure de la grossesse, responsable d’une morbimortalité maternelle, fœtale et néonatale importante. Le seul traitement curatif reste l’accouchement, pouvant entraîner une prématurité. Les conséquences à long terme de celle-ci, et du retard de croissance intra-utérin (RCIU) souvent associé, sont nombreuses.
Elle a fait l’objet de récentes recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : en 2020, en collaboration avec la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar), concernant la prise en charge des formes sévères (2), et en 2023, concernant la prise en charge de la prééclampsie modérée.
Une définition inchangée
La définition française de la prééclampsie reste inchangée : il s’agit de la survenue après 20 SA d’une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mmHg, associées à une protéinurie significative, définie comme ≥ 0,3 g/24 h ou à un rapport protéinurie sur créatininurie ≥ 30 mg/mmol.
La protéinurie reste un élément majeur de la définition française, à la différence de celle l’International society for the study of hypertension in pregnancy (ISSHP), pour laquelle elle n’est pas obligatoire et peut être substituée par une insuffisance rénale aiguë, une dysfonction hépatique, une atteinte neurologique, une hémolyse, une thrombopénie ou un RCIU (3).
Quant à la prééclampsie sévère, elle est définie par la présence d’un des critères suivants : une HTA sévère (PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg) ou non contrôlée, une protéinurie supérieure à 3 g/24 h, une créatinémie supérieure à 90 mmol/l, une oligurie < 500 ml/24 h ou 25 ml/h, une thrombopénie < 100 000/mm3, une cytolyse hépatique avec Asat/Alat supérieure à deux fois la normale, une douleur abdominale épigastrique « en barre » persistante ou intense, une douleur thoracique, une dyspnée, un œdème aigu du poumon, des signes neurologiques (céphalées sévères ne répondant pas au traitement, troubles visuels ou auditifs persistants, réflexes ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques).
Par ailleurs, une PAS ≥ 180 mmHg et/ou une PAD ≥ 120 mmHg, une douleur abdominale épigastrique persistante, les troubles neurologiques, une détresse respiratoire, un Hellp (hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets) syndrome, une insuffisance rénale aiguë sont considérés comme des critères de gravité.
Les traitements médicamenteux
Un traitement antihypertenseur est recommandé pour des chiffres tensionnels dépassant 140 mmHg pour la PAS et 90 mmHg pour la PAD, pris au repos et à plusieurs reprises. Le traitement est initialement per os en monothérapie. Un traitement par voie intraveineuse peut-être instauré, en présence de signe de gravité ou en cas d’échec de l’association de plusieurs traitements per os.
En cas de prééclampsie sévère avec un signe de gravité, l’administration anténatale de sulfate de magnésium doit être effectuée. À noter qu’en cas de risque de prématurité avant 32 SA, le sulfate de magnésium doit être administré à visée de protection neurologique néonatale. Le remplissage vasculaire systématique ou l’administration de glucocorticoïdes, y compris en cas de Hellp syndrome, ne sont pas recommandés.
En cas de risque d’accouchement prématuré avant 34 SA, une corticothérapie (par bétaméthasone) en deux injections à 24 heures d’intervalle doit être réalisée à visée de protection néonatale.
Indication de naissance
En cas de prééclampsie non sévère entre 34 et 37 SA, la grossesse peut être poursuivie jusqu’à 37 SA, en l’absence d’apparition de critère de sévérité. En revanche, à partir de 37 SA, il est recommandé d’induire la naissance.
Avant 34 SA, en l’absence de signe de gravité maternel ou fœtal, et/ou de mauvaise évolution de la prééclampsie, la grossesse pourra être poursuivie jusqu’à 34 SA.
La voie d’accouchement doit être discutée au cas par cas, en fonction de la cinétique d’aggravation de la pathologie et de la situation obstétricale. En absence de contre-indication obstétricale, maternelle ou fœtale, la tentative de voie basse doit être privilégiée.
Prévention secondaire
Seul traitement antiagrégant plaquettaire par aspirine 100 à 160 mg par jour a démontré une efficacité en prévention secondaire. La supplémentation calcique, en vitamine D ou les héparines de bas poids moléculaires n’ont pas été retenues comme traitement préventif.
L’aspirine doit être prescrite aux patientes ayant eu un antécédent de pathologie vasculaire, avant 16 SA pour éviter la survenue d’une prééclampsie, ou en rattrapage avant 20 SA, afin de prévenir les RCIU, et ce jusque 36 SA.
Il n’y a pas d’indication à la débuter en préconceptionnel. Les pathologies hypertensives chroniques, le diabète préexistant, les néphropathies et la gémellité ne sont pas une indication de ce traitement préventif.
Exergue : La protéinurie reste un élément majeur de la définition française
Hôpital Cochin - Port Royal, AP-HP (1) Santé publique France. 6e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2013-2015. 25 jan 2021 (2) Bonnet MP, et al. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2021 Nov 9;S2468-7189(21)00246-4 (3) Brown MA et al. Pregnancy Hypertens. 2018 Jul;13:291-310
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