Q UELLE que soit la terminologie employée (compliance, observance, adhérence, difficulté à suivre le traitement - DAST -, etc.), le constat est le même : 80 % des diabétiques ne suivent pas le régime que, d'ailleurs, devraient suivre les non-diabétiques, 50 % oublient leurs comprimés au moins une fois par semaine, 25 % continuent de fumer, et ainsi de suite. Cette situation ne devrait pas étonner : les diabétiques sont en fait des gens « normaux » à qui il est demandé de bouleverser leurs comportements. Atteints d'une pathologie chronique et longtemps asymptomatique, les patients ne se sentent pas « malades ».
Il existe peu de travaux sur les facteurs qui influencent positivement cette DAST. Une étude écossaise récente en collige quelques-uns : prise unique quotidienne, monothérapie antidiabétique orale, faible nombre de traitements associés, bonne situation sociale. Cela étant, la DAST est très difficile à estimer pour chaque patient. Le médecin peut la suspecter devant des résultats discordants (poids, HbAIc), mais ne peut guère avoir de certitude sans recourir aux moyens sophistiqués qu'apporte l'électronique (lecteur glycémique, pilulier).
Proposer des changements réalistes
La vérité est non seulement malaisée à énoncer du côté du patient, car elle engage la représentation qu'il a de lui-même, mais pénible à entendre de la part du médecin, dont l'autorité et la compétence semblent prises en défaut. Alors, comment faire mieux ? Il faut sans doute partir du postulat qu'il est normal que suivre un traitement au long cours soit difficile. Il faut donc renoncer aux recettes magiques et leur préférer quelques lignes de conduite simples.
Premièrement, alléger les contraintes. Le plus souvent, il faudra adopter une stratégie progressive et proposer des changements réalistes. L'enquête alimentaire peut, par exemple, conduire à se contenter de la seule baisse de la quantité ingérée. Il faut améliorer la tolérance aux médicaments, en prévenant leurs effets indésirables, dont le patient sera informé et pour lesquels il bénéficiera de conseils pratiques. Il faut ritualiser leurs prises pour aboutir à un automatisme de celles-ci (moment de la prise). Enfin, il faut diminuer le nombre de prises, ce qui compte plus que de diminuer le nombre des comprimés pris. A cet égard, les résultats d'une étude menée aux Pays-Bas sont tout à fait explicites. L'observance diminue avec le nombre de prises par jour, comme le respect du schéma thérapeutique, la prise du matin étant la mieux respectée, et le respect de l'intervalle entre deux prises.
Deuxièmement, expliquer les prescriptions. Plus de la moitié des patients ne connaissent pas le nom de leurs médicaments et plus de 70 % ne connaissent pas leurs indications. Il faut répondre à certaines questions : « Que dois-je faire si j'oublie mon comprimé ? Est-ce que je pourrai arrêter mon traitement un jour ? » Un bon exercice consiste à lui apprendre à rédiger son ordonnance, ce qui peut se révéler très utile s'il est amené à consulter un autre médecin.
Troisièmement, favoriser la motivation. L'annonce de la maladie engendre obligatoirement de l'angoisse, contre laquelle le malade peut réagir de différentes façons. Il peut chercher à l'éviter en faisant comme si la maladie n'existait pas ou comme si elle n'allait rien changer. Il peut chercher à minimiser cette anxiété. Enfin, et c'est là qu'il faut arriver, il peut se décider à affronter le problème. Pour cela, il doit être convaincu que sa maladie comporte un risque certain mais qu'il peut être évité. Il doit donc recevoir une information qui, en particulier, élimine les risques imaginés, notamment par son entourage, sans pour autant voir ses croyances systématiquement détruites (il ne s'agit pas de le déstabiliser).
L'exercice est difficile. Il est évidemment influencé par des facteurs culturels et par la personnalité du patient, soit l'estime qu'il a de lui-même, son caractère extra- ou introverti, dominant ou conciliant. Pour certains, il faut savoir se restreindre à des objectifs modestes et s'appuyer sur le (la) conjoint(e). Pour d'autres, il faut leur laisser la tenue des rênes et se poser en partenaire fiable.
Quatrièmement, accompagner les étapes du changement, donc savoir les repérer. Brièvement, ce sont successivement : l'indifférence, la réflexion (peser le pour et le contre), la préparation (quand ? comment ?), l'action (ne pas hésiter à féliciter, à encourager) et, enfin, le maintien (en n'oubliant pas que la rechute fait partie du processus).
Enfin, et peut-être surtout, il faut changer la relation médecin-malade. Les attitudes négatives sont à éviter : résignation, dramatisation, banalisation (« Vous n'avez perdu que 2 kg ? »), jugement moralisateur, surmédicalisation technologique. Le médecin doit réaliser que, contrairement à une maladie aiguë, l'objectif n'est pas de guérir, mais d'améliorer et que, pour cela, il a besoin d'une relation d'adulte à adulte. Il doit, en quelque sorte, partager le pouvoir, en transformant l'inquiétude en force de motivation. Le patient doit disposer d'objectifs immédiatement réalisables et vérifiables, grâce, par exemple, à l'autosurveillance glycémique. Fréquences, horaires et algorithmes thérapeutiques doivent être négociés. Les difficultés doivent être analysées ensemble, leurs solutions trouvées ensemble.
Atelier organisé par les Laboratoires Servier et animé par le Dr N. Chastang et S. Jacqueminet (hôpital la Pitié-Salpêtrière, Paris).
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