LE QUOTIDIEN - Votre congrès s'intitule : « Les professions libérales en danger. » Pouvez-vous expliquer ce choix alarmiste ?
EDOUARD SALUSTRO - C'est peut-être exagérément pessimiste, mais il y a tout de même lieu de manifester une grande inquiétude quant à la compréhension par les pouvoirs publics du monde des entreprises libérales, et en particulier des professions de santé libérales, qui ne cessent, on le voit, de manifester leur mécontentement. A cet égard, la maîtrise comptable et brutale des dépenses de santé, qui ne tient aucun compte des besoins de la nation et de la croissance actuelle, est le meilleur exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Une régulation intelligente des dépenses est pourtant possible. Et l'appareil statistique de mesure des besoins existe.
Depuis un an, on ne vous avait guère entendu sur ce thème.
C'est vrai, mais il faut dire que Jacques Reignault (président du Centre national des professions de santé-CNPS) et surtout Claude Maffioli (président de la Confédération des syndicats médicaux français-CSMF) ont bien occupé le terrain. Je ne vois pas ce qu'on aurait pu dire de plus. Mais d'autres professions libérales ne sont pas entendues par les pouvoirs publics : pour la première fois, on a vu les avocats descendre dans la rue, les huissiers ont fait connaître leur mécontentement, etc.
L'idéal ? Réviser la loi Aubry !
Justement, quelles sont les revendications communes des professions libérales ?
Il y a plusieurs sujets. L'application des 35 heures d'ici à 2002 pour des petites entités économiques de trois ou quatre personnes sera extrêmement difficile, voire impossible, et elle suscite une immense inquiétude, compte tenu du risque d'aggravation des coûts de gestion. L'idéal serait une révision de la loi Aubry, mais on a du mal à y croire. Pour nos confrères étrangers, cette fixation autoritaire de la durée du temps de travail est pourtant quelque chose de très insolite, un pur sujet de curiosité ! Et il ne faut pas croire que l'embauche d'une personne supplémentaire, même à temps partiel, sera quelque chose de facile quand les honoraires sont aussi limités. Il ne faudrait pas que les 35 heures compromettent le fonctionnement des cabinets. L'année prochaine, les professions libérales devront gérer le passage à l'euro et aux 35 heures ! Cela fait beaucoup...
Ensuite, en matière de taxe professionnelle, il y a toujours l'injustice du régime particulier auquel sont soumis les titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés (autrement dit la très grande majorité des professionnels libéraux qui ne bénéficient pas, contrairement aux entreprises employant au moins 5 salariés, de la réforme actuelle visant à baisser la taxe professionnelle). Il faut que les « moins de cinq salariés » soient assujettis au régime de droit commun afin que l'équité fiscale soit rétablie.
Enfin, nous réclamons un statut spécifique en matière de baux professionnels pour les jeunes professionnels libéraux qui s'installent, car il y a aujourd'hui une grande précarité dans l'installation.
Qu'attendez-vous de l'intervention de Jacques Chirac demain ?
Depuis la dissolution, le président de la République exerce une magistrature morale plus qu'exécutive. Il dira donc surtout des choses à l'intention du gouvernement. Mais je crois qu'il se prépare à un discours combatif sur la défense des professionnels libéraux. Nous sommes en période de cohabitation.
Un débat sur la refondation sociale
Deux débats sont prévus aujourd'hui dans le cadre du congrès de l'UNAPL. Le premier, en présence de Jacques Creyssel, directeur général du Medef, portera sur la « refondation sociale » et le rôle de l'UNAPL dans ces négociations. Le deuxième sera consacré aux entreprises de moins de vingt salariés confrontées au passage aux 35 heures. En fin de journée, les professions libérales rédigeront des motions qui seront votées par le congrès, vendredi, jour des allocutions de Jacques Chirac et de François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation.
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