Se déplacer, se garer, soigner... et récolter un PV malgré le caducée. Dans de très nombreuses villes, les polices municipales n'accordent plus aucune tolérance pour les praticiens en visite. Qu'ils exercent à La Rochelle, Marseille, Champigny- sur-Marne ou Nîmes, de nombreux médecins ont confié au Généraliste devoir désormais, comme leurs concitoyens, passer par l’horodateur s'ils veulent échapper aux contredanses !
Face à cette disparition de l’usage, les médecins, qui assurent une mission de service public, ne décolèrent pas (lire les témoignages). Et nombreux sont ceux qui ont décidé de ne plus effectuer de visites, ou menacent de le faire. « Avec une visite à 35 euros, les médecins ne vont plus se déplacer s’ils prennent des PV », confirme le Dr Philippe Vermesch, président du SML, qui se bat pour relancer les visites à domicile. Dans certains cas, les amendes dépassent la centaine d'euros. « Déjà qu’on a du mal à les faire venir au domicile des patients… Les villes jouent contre leurs concitoyens », avertit-il. Un avis partagé par le Dr Marcel Garrigou- Grandchamp, président de la FMF Auvergne-Rhône-Alpes. Le généraliste lyonnais dénonce une incohérence : la volonté de privilégier l’ambulatoire, les visites, le maintien à domicile et la verbalisation des médecins ne vont pas de pair.
Les mairies en manque d’argent
Comment en sommes-nous arrivés là ? La fin de cette tolérance marque-telle un manque de considération à l’égard des praticiens ? Ni le Dr Vermesch, ni le Dr Jean-Jacques Avrane, président du conseil de l’Ordre de Paris – qui est parvenu à trouver une solution dans la capitale (voir ci-dessous) – ne le croient. « Beaucoup de villes n’ont pas pris conscience du rôle du médecin dans la cité », estime-t-il. De son côté, le Dr Garrigou-Grandchamp (Lyon) est amer : « Quand on discute avec la municipalité, le manque de considération est évident. Le responsable du stationnement nous a clairement dit que les médecins n’assuraient pas une mission de service public ! Il faut oser. »
Une chose est sûre, les mairies ont besoin d’argent. Et depuis le 1er janvier, ce sont elles qui fixent le coût horaire du stationnement ainsi que le montant des contraventions. Les collectivités locales peuvent également charger des sociétés privées du contrôle du stationnement. Dès lors, certaines n’hésitent pas à verbaliser à tout-va. « L’augmentation des tarifs vide peu à peu les centres-villes. Les mairies, cherchent à combler leur manque à gagner sur le dos des professionnels de santé », accuse le Dr Garrigou-Grandchamp.
La verbalisation permet aussi d’enrayer l’utilisation abusive du caducée. « Durant ma carrière, j’ai vu – et je vois encore – trop d’abus d’usage. Il est utilisé par des conjoints de praticiens, ou par le médecin lui-même, alors qu’il est biologiste au CHU », confie au Généraliste le Dr Jacques Le Lann, un omnipraticien retraité. « Toutes ces raisons expliquent l’absence de valeur du caducée aujourd’hui, à part le montant de la cotisation ordinale », ironise-t-il.
La gratuité sinon rien
« Il y a sans doute eu des abus. Mais je distinguerais le stationnement résidentiel et professionnel, concède le Dr Garrigou-Grandchamp. Pour le premier, les médecins doivent être logés à la même enseigne que leurs concitoyens. Mais quand le médecin se déplace au domicile du patient, je ne vois pas pourquoi il devrait payer. »
Partout en France, des communes ont créé des forfaits dédiés aux professionnels de santé. Mais cette solution n’est pas du goût des praticiens. D’autant que les montants sont parfois très élevés. « Le forfait ne nous convient pas, le stationnement devrait être gratuit. Point barre », clame le Dr Vermesch.
En dépit de l'offensive de municipalités, le caducée continue de demeurer un sésame respecté dans la majorité des villes. « Mais à partir du moment où une ville parvient à imposer le stationnement payant à ses médecins, il y a un risque d’effet tache d’huile », prévient le Dr Garrigou-Grandchamp. Reçu fin mars par le ministre de l’Intérieur, le Dr Vermesch a demandé l’instauration d’une loi nationale assurant aux détenteurs du caducée un stationnement gratuit sur les places normales.
La requête du président du SML a cependant peu de chances d’aboutir, en raison de la décentralisation, selon le Dr Avrane : « Étant donné que les villes ont une autonomie totale concernant la voirie et le stationnement, il me semble difficile d’installer une règle nationale. »
100 VISITES POUR SE GARER GRATIS À PARIS, UN FORFAIT DE 300 EUROS À COLMAR
À mi-chemin entre la gratuité et la verbalisation systématique, des villes proposent des forfaits aux professionnels de santé mobiles. Ainsi, les médecins lyonnais ont le choix entre un forfait de 120 euros s'ils assurent plus de 119 visites annuelles, ou à 240 euros en deçà. À Colmar, le forfait atteint les 300 euros. Après deux ans de négociations, l'Ordre de Paris est parvenu à obtenir la gratuité sur les places autorisées pour les médecins assurant au moins 100 visites. Les concernés peuvent obtenir une carte "Pro soins à domicile". Ils doivent pour cela communiquer à l'Ordre de la capitale – qui contrôle le nombre de visites assurées – leur numéro de plaque d'immatriculation, ensuite transmis à la mairie de Paris. Le Dr Avrane, président de l'Ordre parisien, a également obtenu un accord pour le stationnement résidentiel. « Il me semble normal que le médecin installé paie son stationnement au même prix que ses patients. » Contre 45 euros + 1,50 euro par 24 heures de stationnement, les praticiens de la capitale peuvent bénéficier de la carte "Pro sédentaire". Un accord dont se félicite le Dr Avrane. Selon lui, 850 médecins disposent de la carte "Pro soins à domicile". Mais ce nouveau système est pour l'instant en proie à des dysfonctionnements. De nombreux médecins parisiens possèdant une des deux cartes – ou en attente de leur réception – enragent face à la multiplication des PV.
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