Le 16 septembre 2014, l’entreprise St Jude Medical suspendait la commercialisation des valves aortiques transcutanées du modèle Portico suite à la découverte d’une perte de mobilité des feuillets observée chez plusieurs patients dans les 30 jours suivant l’intervention.
Afin de comprendre l’origine de ce dysfonctionnement, le Dr Raj Makkar, de l’institut de cardiologie Cedars-Sinai, et ses collègues ont mené une analyse sur 55 patients ayant participé à un essai clinique sur ce modèle de valve (essai PORTICO IDE) et sur 132 patients issus de deux registres (SAVORY et RESOLVE), opérés avec des modèles variés de valves biologiques (y compris des modèles Portico et Sapien XT) implantés par voir transcutanées ou chirurgicales. Leurs résultats viennent d’être publiés dans le « New England Journal of Médicine », et confirment qu’il existe un risque de thrombose au niveau des feuillets, à l’origine de ce dysfonctionnement.
Les valves chirurgicales également concernées
Une mobilité réduite des feuillets des valves a été retrouvée chez 22 des 55 patients de l’essai PORTICO IDE et chez 17 des 132 patients issus des deux registres. « Les TAVI sont très surveillés, et cela faisait quelque temps que l’on avait repéré ces phénomènes d’épaississement des feuillets qui disparaissaient avec une mise sous anticoagulation, retrace le Pr Martine Gilard, cardiologue interventionnelle du département de Cardiologie du CHU La Cavale blanche, à Brest. En revanche c’est la première fois que l’on décrit ce phénomène chez des patients porteurs de valves posées chirurgicalement. »
Les auteurs précisent que lors d’un deuxième CT scan de suivi,, on observait un retour à la normal chez les 11 patients qui étaient sous anticoagulation, mais chez seulement 1 des 10 patients qui ne prenaient pas d’anticoagulant.
Au sein des patients de l’étude PORTICO IDE, il n’y avait pas de différence significative en termes d’AVC ou d’accidents ischémiques entre les patients dont les valves avaient une mobilité réduite et ceux dont les valves fonctionnaient normalement. Chez les patients recrutés au sein des registres SAVORY et RESOLVE, en revanche, une différence significative était observée.
La mise sous anticoagulants en question
Grâce aux données de l’imagerie, l’apparition d’une thrombose au niveau du feuillet des bioprothèses a été identifiée comme étant la cause de cette perte de mobilité. Il existe donc bien un risque de thrombose des feuillets des bioprothèses valvulaire, mais cela justifie-t-il un recours plus large à l’anticoagulation chez les patients implantés ?
« Il faut être prudent, répond le Pr Gilard, ces pertes de mobilités ne semblent pas avoir d’impact clinique, et la mise sous anticoagulants ou antiagrégants, comme le font déjà certaines équipes, peut faire courir un risque hémorragique plus important à ces patients fragiles. »
Les auteurs de l’étude précisent que la perte de performance hémodynamique ne s’accompagnait effectivement pas de modification de l’état clinique des patients. Dans un article de perspective accompagnant les résultats du NEJM, la FDA reconnaît néanmoins que ce phénomène pourrait avoir un impact « sur la sécurité, l’efficacité et le bénéfice-risque des valves aortiques bioprothétiques, principalement en ce qui concerne le risque d’événements neurologiques et d’infarctus » bien que les données soient encore trop parcellaires pour déterminer ses conséquences exactes. La FDA reste convaincue que « les valves biologiques restent sûres et efficaces ».
Le Pr Gilard explique que « plusieurs études randomisées ont été entamées au début de l’année 2015 afin de déterminer si une mise sous anticoagulant ou sous antiagrégant des patients porteurs d’une valve biologiques réduit le risque d’événement neurologique. Des résultats sont attendus en 2016 », conclut-elle.
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