Le centre hospitalier de Dunkerque a subi en moyenne 170 ruptures d'approvisionnement de 2019 à 2021. Pour se fournir, l'établissement doit commander les produits manquants en s'approvisionnant auprès des concurrents à des prix plus élevés hors marché. Pour atténuer la flambée des prix, selon un rapport du Sénat*, « la clause d'achat pour compte signifie que lorsqu’un laboratoire pharmaceutique titulaire du marché est dans l’incapacité d’approvisionner en une spécialité, l’acheteur hospitalier public peut recourir à une prestation par un tiers, aux frais et risques du titulaire. La différence tarifaire des 2 spécialités est remboursée par le titulaire du marché » . Anaëlle Decoene, pharmacien au CH de Dunkerque depuis novembre 2019, témoigne : « L'établissement a la possibilité de se fournir auprès d'un laboratoire concurrent, mais à un autre prix, souvent plus élevé, qui peut aller jusqu'au prix tarif (prix Sécu). Pour éviter à l'hôpital de pâtir de surfacturations trop fortes, ce dernier se voit rembourser la différence par le laboratoire initial qui n'a pas été en mesure de fournir son produit. »
Réticences des laboratoires
Sur le papier, cette procédure semble facile à mettre en œuvre. Dans la pratique, la réponse du laboratoire n'est pas toujours positive. Celui-ci peut arguer non pas d'une rupture, mais d'une simple tension dans les approvisionnements. Autre cause de contestation possible, si la rupture a été annoncée au téléphone, et pas confirmée par écrit, il arrive que le laboratoire lors de la demande de restitution financière conteste.
Outre ce casse-tête, le pharmacien est confronté à une autre problématique, comme l'explique Anaëlle Decoene (CH Dunkerque) : « Une fois le remboursement obtenu sous forme d'avoir, il faut soit l'imputer à une prochaine facture afin de diminuer le PUMP (prix unitaire moyen pondéré) : réalisé si la commande n’engendre pas un stock trop important, soit percevoir l'argent sous la forme d'un titre de recette qui alimentera le compte général de l'hôpital. »
Pédagogie envers les services de soins
En d'autres termes, la plus grande difficulté du pharmacien n'est pas seulement de réclamer aux laboratoires ce qui est dû selon les modalités du contrat passé. Il lui faut aussi savoir bien l’appliquer dans la comptabilité hospitalière afin de ne pas pénaliser les services de soins. Pourquoi se disent-ils pénalisés ? Les pharmaciens en charge des APC leur expliquent que les factures qui leur sont adressées sont établies à un prix unitaire moyen pondéré (PUMP), calculé à partir des factures précédentes. Or les ruptures (et donc les fournitures de produits à des prix plus élevés) peuvent alourdir considérablement la ligne budgétaire. « Il faut pousser dans l’analyse pour démontrer que ce n’est pas dû à un changement de pratique des médecins, mais bien à une rupture de deux mois qui a fait flamber les prix des commandes et donc la ligne budgétaire des services de soins », commente Anaëlle Decoene.
Au final, l'hôpital est largement gagnant. Avec cette méthode, les sommes restituées ont augmenté de 78 % entre 2019 (176 975 euros) et 2020 (314 755 euros), pour se stabiliser en 2021 (297 650 euros), une fois la procédure instaurée. À poursuivre.
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