Enfin, après une si longue attente, les œuvres autobiographiques de Simone de Beauvoir sont publiées dans la Bibliothèque de la Pléiade. Cette traversée du siècle en deux volumes accomplie par une intellectuelle capitale donne à chaque page ou presque matière à penser. Si loin et en même temps si proche. Si hautaine par ses jugements définitifs, ses errements politiques, si humaine lorsqu'elle nous raconte sans pudeur sa douleur absolue, inattendue lors des dernières semaines de vie de sa mère dans ce livre admirable Une mort si douce. Convaincue de sa puissance intellectuelle dès son plus jeune âge, elle construit son œuvre sans jamais négliger sa vie et vice et versa. Comment alors résister à cette lucidité clinique qui traque sans relâche la mauvaise foi, le compromis, les petites et grandes lâchetés mais aussi l'arrogance, la certitude qui lui fait écrire à la sortie de l'adolescence « Je construira une force où je me réfugierai à jamais ». En même temps, cette vie glorieuse qui accède rapidement au succès est aussi intranquille par ses zones d'ombre voire troubles. On complétera dans cette perspective la lecture de l'album peut-être un peu trop filiale composé par Sylvie Le Bon de Beauvoir, la fille adoptive de Simone de Beauvoir par l'analyse serrée à laquelle se livre Danièle Sallenave dans son Castor de Guerre, ouvrage de référence paru il y a juste dix ans. L'auteur interroge ainsi des pratiques amoureuses pas toujours respectueuses de l'autre notamment dans les fameux trios menés avec Sartre. Mais surtout Danièle Sallenave restitue dans toute sa complexité une époque où les engagements exigeaient une sorte d'absolu, d'intransigeance si éloignée de notre culte laïcisé pour le relativisme, l'individualisme et le repli sur la cellule familiale. Simone de Beauvoir n'a jamais cessé de choquer jusqu'à La Cérémonie des Adieux consacrée aux dernières années de Sartre. Mais elle a aussi interrogé la complexité de la vie. Ce qui l'a conduite à se jeter dans le monde et célébrer sa beauté à l'image « d'une lune blanche au-dessus du Pirée, un soleil rouge pointant au dessus du désert ». Et si délesté de tous les poncifs, nous lisions enfin Simone de Beauvoir ?
Simone de Beauvoir, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, tome 1, 62 euros, tome 2, 63 euros. Album offert pour l’achat de trois volumes de la collection.
Danièle Sallenave, Castor de Guerre, folio N° 4930.
Lire aussi le récit de Sarah Bakewell au Café existentialiste, éditions Albin Michel, 504 p., 24,90 euros.
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