Prise en charge des insomnies

Thérapies cognitives et nouvelles molécules

Publié le 16/12/2009
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Crédit photo : PHANIE

« DE PLUS EN PLUS d’études mettent en évidence l’intérêt des thérapies cognitives comportementales (TCC) dans la prise en charge de l’insomnie à long terme, souligne le Dr Sylvie Royant-Parola. En effet, ces études montrent qu’avec des programmes de 3 à 6 séances, le vécu et la continuité du sommeil sont améliorés et que cet effet se maintient au-delà de 6 mois, surtout quand des séances de rappel à distance sont effectuées tous les 6 mois. » L’intérêt pour les TCC est d’autant plus manifeste que lors de la prise chronique de médicaments hypnotiques, un épuisement très rapide des effets objectifs est constaté. Les enregistrements du sommeil révèlent, dès la fin du premier mois, une réapparition des difficultés d’endormissement et la survenue de réveils nocturnes. Ces enregistrements ont aussi permis de se rendre compte que les hypnotiques modifient la morphologie du sommeil avec une diminution marquée du sommeil lent profond (SLL) et une moindre diminution du sommeil paradoxal (SP). « Cette modification est préoccupante car cela signifie qu’avec les hypnotiques classiques, le sommeil n’est plus le sommeil physiologique qui permet une bonne récupération. » De plus, note Sylvie Royant-Parola, avec certains hypnotiques, une baisse de la vigilance diurne, directement corrélée à la durée de vie du produit, est constatée, en particulier avec certains antihistaminiques en vente libre en pharmacie. « En conséquence, les hypnotiques classiques ne sont pas une solution à long terme de l’insomnie. Ils peuvent être intéressants à court terme, pour aider à surmonter une situation temporaire difficile, ou en prise discontinue, mais cette option n’a pas été validée par de grandes études. »

Si les TCC ont montré leur efficacité au long cours, les praticiens formés à ces thérapies sont encore trop peu nombreux. La formation, qui doit associer connaissance des thérapies et du sommeil, doit être développée via la FMC ou via un nouveau diplôme universitaire de « Prise en charge de l’insomnie » mis en place à l’université Paris V. « Il existe aussi des techniques plus légères qui sont orientées vers un travail sur la restriction du temps passé au lit par les insomniaques. Une formation est accessible à tout médecin et cette technique peut être appliquée en médecine générale ».

Du côté des médicaments.

Des médicaments ayant un nouveau mode d’action et qui agissent sur la régulation du sommeil sont ou vont être prochainement disponibles. Ils devraient modifier la prise en charge des insomnies. Certains sont des agonistes de la mélatonine, qui n’est pas un hypnotique au sens classique du terme, mais une hormone ayant des effets chronobiotiques. Elle agit sur les rythmes du sommeil et sur la restructuration des rythmes biologiques. Or, plus l’âge augmente, plus la synchronisation de ces rythmes diminue et plus les insomnies sont fréquentes. Ces troubles du sommeil se présentent comme des insomnies primaires car ils n’ont pas d’autres causes décelables, mais ce sont plutôt des troubles du sommeil liés au vieillissement.

Ainsi, Circadin (Laboratoire Lündbeck) qui est une mélatonine à action prolongée, est indiqué dans l’insomnie primaire chez les sujets de plus de 55 ans qui ont un sommeil fractionné. Il a obtenu l’AMM et est en attente de remboursement.

L’agomélatine (Valdoxan, Laboratoire Servier), agoniste mélatoninergique et antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 5HT2, est indiquée dans le traitement des épisodes dépressifs majeurs de l’adulte. Ce médicament, intéressant pour les déprimés qui ont des troubles du sommeil (éveils nocturnes et réveil précoce), devrait être disponible en début d’année 2010.

Un autre produit, l’éplivansérine (Sanofi), antagoniste 5HT2A, est en attente de complément d’information. Ses effets sur le sommeil se traduisent par une augmentation du SLL et une diminution du fractionnement du sommeil, mais par peu d’action sur l’endormissement.

Un lien fort entre dépression et insomnie

Les liens sont forts entre dépression et insomnie sans qu’on sache très bien lequel déclenche l’autre. Pour Sylvie Royant-Parola, psychiatre, l’insomnie est présente avant la dépression. Ce peut être le premier signe de la dépression ou un « élément détonateur » qui favorise une dépression ultérieure. En effet, les insomniaques ont deux fois plus de risque de développer une dépression que les sujets qui ont un bon sommeil. Cependant, chez les sujets déprimés, les insomnies sont fréquentes. D’ailleurs, les troubles du sommeil qui touchent le fractionnement du sommeil et le réveil matinal précoce sont un des signes de la dépression. Les troubles du sommeil persistant après un traitement de la dépression sont un facteur de mauvais pronostic car les rechutes sont plus fréquentes lorsqu’un sujet qui a été déprimé ne retrouve pas un sommeil de bonne qualité. La question se pose donc de savoir s’il est possible de prévenir les rechutes dépressives en traitant une insomnie en amont.

Enfin, il est aussi apparu, ces dernières années, que les sujets insomniaques avaient plus de complications cardio-vasculaires que les sujets normaux. En fait, l’insomnie en perturbant le système neurovégétatif, induit une hyperactivité sympathique provoquant accélération cardiaque et variations tensionnelles qui favorisent la survenue de complications cardio-vasculaires.

D’après un entretien avec le Dr Sylvie Royant-Parola, Laboratoire d’exploration du sommeil, Garches, Présidente du Réseau Morphée – www.reseau-morphee.fr.

 YVONNE EVRARD

Source : lequotidiendumedecin.fr