A New York, Carrière y arrive en mars 1968 avec Milos Forman pour y faire l'adaptation au cinéma de « Hair ». On est en plein dans le mouvement hippie et les protestations contre les bombardements de Johnson au Vietnam. Partout de doux chevelus célèbrent l'amour et le « pouvoir de la Fleur » (sic), mais Milos ne parle pas anglais et le sanitaire du mythique Chelsea Hotel est en triste état.
A Paris, plus de fleurs mais les pavés volent. Le scénariste de Bunuel ne cache pas son enthousiasme devant le surgissement du désir de changer le monde et la prise de parole. D'ailleurs on s'empoigne très vite lors d'états généraux du cinéma et Louis Malle chante « Debout les damnés de la terre... ». Pas complètement dupe, Carrière parcourt avec Bunuel les rues du Quartier Latin où ce dernier peut lire « les phrases surréalistes de sa jeunesse », par exemple « changer la vie » ou « il est interdit d'interdire »...
Mais en juin il est à Prague, car Forman a décidé que c'était l'endroit le plus calme pour travailler. Ici aussi, dit l'auteur, une jeunesse appelait au changement, mais l'ennemi à vaincre n'est plus la société de consommation ou le gaullisme mais le communisme soviétique. De façon assez attendue, J.-C. Carrière trouve la ville à la fois triste et kafkaïenne, mais il trace d'intéressants portraits du neveu de Churchill et du cinéaste aristo-décalé Ivan Passer, dont on aimerait revoir « Law and Disorder ».
Retour à New York fin septembre 1969, le scénario de « Taking off » est disponible pour Forman et l'hôtel Algonquin a remplacé le Chelsea comme la contre-utopie a partout submergé tous les jolis mois de mai.
On sent bien que tout ceci plonge Carrière dans la mélancolie la plus profonde. Avec le temps, il apparait que seule « la jeunesse tchèque trouvait les mots exacts et posait les justes questions ». Il est vrai qu'elle avait un scénario aussi solide qu'un char soviétique.
Plon, 212 pages, 17,50 euros.
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