Eude des lésions des nerfs périphériques chez le rat

Un anxiolytique accélère la repousse axonale

Publié le 15/12/2008
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LORS D’UNE LÉSION d’un nerf périphérique, se met en place un processus de régénération axonale spontanée. Après un traumatisme ou lors d’une neuropathie périphérique qu’elle soit toxique (chimiothérapie…), diabétique ou en cas de syndrome de polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique, la régénération est lente et souvent incomplète. Il n’existe pas de traitement permettant d’accélérer le processus ou de le rendre complet.

Parmi les moyens thérapeutiques à l’étude, figurent les produits qui se lient à la protéine translocatrice TPSO (18 KDa), antérieurement connue comme un récepteur périphérique de benzodiazépine. Cette protéine localisée sur la membrane externe des mitochondries possède de multiples fonctions.

Ainsi, dans le SNC, il a été montré que des ligands de TPSO exercent des effets neuroprotecteurs et réduisent l’inflammation neurale. Ensuite, après une lésion de nerf périphérique, l’expression du TPSO est induite de manière transitoire dans les ganglions de la racine dorsale, les cellules de Schwann et les macrophages. Certains des ligands protègent les motoneurones de la dégénérescence et réduisent les déficits sensori-moteurs après une agression toxique par acrylamide.

Les observations expérimentales ont fortement suggéré que les ligands TPSO pourraient être utiles pour stimuler la régénérescence axonale et pour moduler l’activation des macrophages dans des nerfs périphériques altérés.

Cryolésion du nerf sciatique du rat.

L’étifoxine est un produit utilisé dans les troubles anxieux. On s’est aperçu qu’il exerce son activité en ciblant des récepteurs au GABA et qu’il se lie aussi au TPSO.

Une équipe française a entrepris de tester ce produit sur des modèles de lésions de nerfs périphériques. Par cryolésion du nerf sciatique chez le rat on a un modèle de lésion de nerf périphérique qui ressemble à un écrasement, où les tissus avoisinants sont toujours présents (tissu conjonctif, membrane basale), ce qui laisse en place une régénération spontanée. La transsection du sciatique chez le rat est un autre modèle d’étude.

Après la cryolésion, le traitement par étifoxine a produit une accélération de la régénérescence de l’axone en aval de la lésion, ce qui se vérifie sur une analyse histologique.

Par ailleurs, les chercheurs ont testé la croissance de l’axone après transsection du nerf sciatique en le faisant pousser dans un guide en silicone. Ils constatent une multiplication par deux de la croissance. « L’administration du produit au nerf sciatique lésé, non seulement accroît la vitesse de récupération fonctionnelle, mais aussi l’ampleur de cette récupération », notent Christelle Girard et coll. Des tests ont été réalisés comparativement à des rats traités par le produit de dilution du principe actif. On voit qu’à 7 et 15 jours après la cryolésion, la croissance des axones sensitifs est significativement améliorée (test de pincement) et qu’au bout de 15 jours, la récupération sensitive est acquise.

La récupération locomotrice, évaluée sur un test de marche, est également significativement meilleure chez les rats traités par étifoxine, avec une fonction du nerf sciatique identique aux témoins non lésés au bout de 21 jours. La coordination est récupérée à 29 jours.

Sur un plan histologique, l’effet de l’étifoxine s’exerce sur la réponse macrophagique qui est consécutive à la lésion du nerf.

Les auteurs estiment que l’étifoxine pourrait « stimuler une production de neurostéroïdes via son action sur l’activité TSPO ».

Le mécanisme d’action de l’étifoxine demeure à ce jour indéterminé. Ce produit « remplit les critères d’un médicament ayant un potentiel clinique pour le traitement des axones périphériques altérés : une diffusion facile dans le tissu nerveux, une vitesse de régénérescence axonale multipliée par deux, et une modulation sélective de la réponse inflammatoire à la lésion ».

Le produit est utilisé dans le traitement de longue durée (jusqu’à 3 mois) des troubles anxieux et il est dépourvu des effets secondaires liés aux anxiolytiques de la classe des benzodiazépines.

« Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne.

Travail d’une équipe Inserm UMR 788 hôpital du Kremlin Bicêtre, en association avec Biocodex.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8481