L’effet de l’hypertension médié par deux protéines

Un chaînon moléculaire clef identifié dans l’hypertrophie cardiaque

Publié le 25/01/2016
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Aujourd’hui, le contrôle tensionnel est le seul moyen de prévenir l’hypertrophie cardiaque. Des chercheurs au Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculares Carlos III (CNIC) à Madrid ouvrent des perspectives nouvelles de traitement grâce à l’identification pour la première fois d’un chaînon moléculaire entre les facteurs de stress et le développement de l’hypertrophie cardiaque.

L’équipe du Dr Guadalupe Sabio publie dans « Nature Communications » l’identification de deux protéines clefs dans l’affection cardiaque, p38 gamma et p38 delta. Ces deux kinases traduisent au niveau moléculaire intracellulaire les stimuli de stress extracellulaire conduisant à l’hypertrophie du ventricule gauche, tels qu’une hypertension ou une surcharge de volume, des anomalies du cytosquelette ou des anomalies intrinsèques de contractilité.

Une signalisation médiée par les complexes mTOR

Les protéines p38 gamma et p38 delta appartiennent à la famille des MAP kinases (mitogen-activated protein kinases), qui sont nécessaires à l’induction de la mitose et sont connues pour jouer un rôle dans le remodelage, la contractilité et l’insuffisance cardiaque. Ce sont des régulateurs clefs de la réponse cellulaire au stress, que ce soit sous la forme d’une prolifération, d’une différenciation ou de l’apoptose. Les chercheurs espagnols montrent que ces deux protéines activent une autre kinase bien identifiée dans la physio-pathologie cardio-vasculaire, le système mTOR. Cette activation passe par la dégradation d’un inhibiteur de mTOR, appelé DEPTOR. C’est la première fois qu’est décrite une interaction de DEPTOR avec une protéine n’appartenant pas au complexe mTOR.

Pas de p38, pas d’hypertrophie

À travers plusieurs expérimentations chez la souris, les scientifiques madrilènes démontrent le rôle déterminant joué par ces protéines. Comme facteur de stress, les chercheurs ont choisi d’administrer aux souris de l’angiotensine II, ce peptide bien connu pour être impliqué dans le maintien de la tension artérielle et dans la survenue d’une hypertrophie cardiaque. Il est apparu que les rongeurs médiqués qui n’exprimaient pas soit l’une soit les deux p38 présentaient un cœur de taille en dessous de la normale, des taux élevés de l’inhibiteur DEPTOR et une faible activité de la voie mTOR. A contrario, le phénotype double négatif gamma/delta pouvait être renversé par une suractivation de mTOR, une neutralisation de DEPTOR ou une surexpression de p38 gamma et delta.

Comme les auteurs le soulignent, « l’identification de mécanismes moléculaires via lesquels l’hypertrophie pourrait être éliminée sans provoquer d’insuffisance circulatoire est un défi majeur ». En montrant qu’un défaut en p38 gamma et delta réduit la capacité du cœur à s’hypertrophier sans entraîner d’anomalies fonctionnelles, les chercheurs ouvrent une piste nouvelle en cardiologie. Mais selon les auteurs, la voie de signalisation p38 gamma/delta pourrait être importante dans d’autres processus physiologiques médiés par mTOR, comme l’autophagie et le cancer. « Ces résultats révèlent de nouvelles possibilités avec le contrôle de l’activation mTOR et ouvrent la route au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques », concluent-ils.

Nature Communications, publié en ligne le 22 janvier 2016
Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9465