« Dans les cancers digestifs, les résultats préliminaires de l’immunothérapie suscitent l’enthousiasme, mais il convient de rester prudent. L’efficacité modérée retrouvée dans ces petites études de phase I ou II demande à être confirmée dans des études contrôlées de phase III », tient à préciser le Pr Raymond.
Dans les faits, les études cliniques d’immunothérapie sont moins avancées dans les cancers digestifs que ne laisserait penser la médiatisation. L’immunothérapie n’est susceptible de ne bénéficier qu’aux patients dont les cellules tumorales expriment la protéine transmembranaire PD-L1, ou dont l’ADN présente une instabilité microsatellitaire (statut MSI) ou d’autres marqueurs à déterminer.
Résultats préliminaires
Dans les cancers du colorectaux, les 1res études semblent confirmer que les tumeurs MSI au taux de mutations élevé sont plus sensibles à l’immunothérapie. « Mais les tumeurs MSI sont rares et le plus souvent de bon pronostic. Elles représentent moins de 4 % des cancers colorectaux métastatiques. Pour la grande majorité de patients dont la tumeur a un statut MSS (absence d’instabilité microsatellitaire) l’immunothérapie n’a pas d’intérêt », tempère le spécialiste.
Le statut MSI débouche donc rarement sur un traitement vu la rareté des tumeurs MSI. L’enthousiasme chez les patients MSI repose sur des études de phase II qui portent sur peu de patients, 41 dans l’étude de Le DT et al. sur laquelle est fondée la commercialisation du pembrolizumab aux USA (1). « Dans ces études, il y a < 50 % de taux de réponse. Au total sur l’ensemble de mes patients atteints d’une tumeur colorectale métastasée, seuls 2 % vont pouvoir profiter du traitement par immunothérapie. Cependant certains de ces patients répondent à plus long terme et pour eux, c’est une révolution », note le Pr Raymond. Deux essais de phase III évaluent l’immunothérapie vs chimiothérapie dans les tumeurs colorectales MSI (KEYNOTE 177 avec le pembrolizumab en 1re ligne métastatique, PRODIGE 54 – SAMCO avec l’avélumab en 2e ligne métastatique).
Et dans les autres localisations ? Dans les cancers œsogastriques après chimiothérapie, l’immunothérapie semble avoir une activité modeste et sur une population restreinte (forte expression de PD-L1, MSI). En atteste une étude (2) de phase III du nivolumab vs placebo chez 493 patients en échappement à la chimiothérapie qui retrouve dans le bras nivolumab, une légère amélioration de la médicane de survie globale (5,3 vs 4,1 mois). Dans le cancer du pancréas, aucun bénéfice n’a été démontré. Dans le carcinome hépatocellulaire, les études de phase 2 suscitent l’enthousiasme, mais doivent être confirmées en phase 3 (CHECKMATE 459, KEYNOTE 224, résultats attendus en 2019-2020). Enfin, dans les cancers épidermoïdes du canal anal, l’immunothérapie aurait potentiellement un intérêt par analogie aux cancers ORL. En France, l’immunothérapie est disponible à partir des programmes AcSé. Des études sont en cours qui associent immunothérapie et chimiothérapie pour tenter de potentialiser les effets. Cependant des progrès restent à faire pour sélectionner les patients répondeurs afin de traiter à bon escient et limiter les coûts.
(1) Le DT et al., NEJM 2015;372(26):2509–20
(2) Kang YK et al., Lancet 2017 ; 390(10111) :2461-2471
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