Urologue à l’AP-HP

Un environnement stimulant, pour combien de temps ?

Publié le 31/05/2012
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L’AP-HP comprend 37 hôpitaux regroupés en 12 groupes hospitaliers. Sa taille importante est propice au développement de soins et de protocoles de recherche innovants. Dans le domaine de l’urologie, l’établissement public de santé dispose notamment de huit services de pointe et d’équipes reconnues sur le plan international. « À la Pitié-Salpêtrière, nous avons accès à des moyens importants (IRM, innovations échographiques, robotique, prise en charge du handicap lourd…) qui facilitent l’exercice de notre profession au quotidien. Notre équipe bénéficie également d’une taille suffisante pour assurer une expertise dans tous les domaines de l’urologie. Actuellement, nous sommes neuf urologues permanents à temps plein (hors chefs de clinique-assistants) », précise le Pr Chartier-Kastler.

Outre sa fonction de soins, le service d’urologie de la Pitié-Salpêtrière participe à l’enseignement de cette spécialité à la faculté de médecine Pierre-et-Marie Curie (UPMC) de Paris VI ainsi qu’à la formation des futurs urologues au sein de l’Association française d’urologie (AFU). « Le fait de travailler dans un hôpital de l’AP-HP au sein de l’UPMC avec des professionnels capables de former les étudiants, d’assurer des soins spécialisés, mais aussi, d’attirer l’innovation et la recherche clinique dans leur domaine est d’une grande richesse », souligne le Pr Chartier-Kastler.

Toutefois, toutes les équipes d’urologie françaises de CHU et de l’AP-HP n’ont pas atteint cette taille critique qui permet de rester productif et compétitif, en matière de soin et de recherche, à l’échelon local, européen, voire international. Dans certains CHU, plusieurs services universitaires sont en train de fermer leurs portes. Les équipes souvent sous-dimensionnées n’arrivent pas à assurer une activité suffisante dans tous les domaines de l’urologie. Elles éprouvent aussi des difficultés à recruter des étudiants et des jeunes médecins permettant d’assurer leur succession. « Il faudrait regrouper ces équipes pour leur permettre de rester innovantes et de garder un esprit d’émulation interne. Le regroupement ne doit pas forcément être physique, mais, au moins, d’ordre universitaire et concerner l’organisation des soins de recours dévolus au CHU, la pédagogie et les projets médicaux. Au sein de la Collégiale, nous devons avancer sur ce sujet et discuter, entre autres, de l’organisation de la permanence des soins et des perspectives de développement des uns et des autres pour une cohérence du projet médical urologique de chaque service et de l’AP-HP », précise le Pr Emmanuel Chartier-Kastler.

Des réformes nécessaires.

La taille conséquente de l’AP-HP, son organisation complexe et son historique immobilier n’offrent pas que des avantages. De fait, la structure ne se réforme pas aussi rapidement qu’elle le devrait. Une lenteur technique et décisionnelle qui risque, à terme, de freiner les équipes, notamment celles d’urologie. « L’informatique a du retard autant pour la gestion du dossier du malade que pour la vie quotidienne. La mise aux normes des blocs opératoires est ralentie et le renouvellement des équipements souffre de problèmes budgétaires conséquents. Par exemple, cela fait plus d’un an que nous demandons à l’administration de l’AP-HP de rénover nos outils de robotique chirurgicale qui arrivent bientôt en fin de vie et de maintenance. La Collégiale s’est prononcée sur le sujet, autant sur les appareils que sur les moyens à mettre en œuvre pour les utiliser de façon optimale. Mais les choix de l’AP-HP ne nous sont pas encore parvenus. Malgré ce type d’obstacles, nos équipes se battent, au quotidien, pour maintenir un niveau d’excellence en matière de soin et de recherche », confie le Pr Chartier-Kastler.

Une chose est sûre, à l’avenir, l’AP-HP devra sûrement accorder davantage de moyens pour stimuler ses médecins. Aujourd’hui, nombre d’urologues, parmi les plus jeunes, revendiquent l’évaluation et la valorisation individuelle de leur activité. « Seule une réforme du statut et du mode de rémunération des praticiens hospitaliers, accordant une part variable liée à leur activité, permettrait de les motiver sur le long terme. Aujourd’hui, ce qui donne envie à la plupart des jeunes urologues de faire carrière à l’AP-HP c’est notamment le fait de pouvoir rester à la pointe des protocoles de soin et de recherche clinique au sein d’équipes cohérentes dans leur projet médical et leur organisation. S’ils devaient raisonner uniquement en termes de revenus, ils exerceraient dans le privé », insiste le Pr Chartier-Kastler.

Pour les patients, l’accès à l’AP-HP devient également de plus en plus difficile. Exemple frappant : le secteur de consultation d’urologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière reçoit 20 000 patients par an. « Mais ils doivent parfois patienter plusieurs mois avant d’obtenir un premier rendez-vous. Ce problème d’organisation n’est pas tolérable. Des essais de prise de rendez-vous par le Web sont en cours et nous nous en réjouissons. Par ailleurs, une bonne partie de notre activité est dédiée à la prise en charge de personnes atteintes de lourds handicaps urologiques. Mais ces dernières accèdent difficilement à l’hôpital, faute d’infrastructures adaptées, de places de parkings… Cela nuit à notre image et nous fait perdre une bonne partie de notre patientèle », conclut le Pr Chartier-Kastler.

D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Chartier-Kastler, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

 HÉLIA HAKIMI-PRÉVOT

Source : Bilan spécialistes