En Campanie, la Sécurité sociale gèle les salaires

Une affaire qui tourne au drame

Publié le 19/05/2010
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C’EST UNE protestation en forme d’image forte : se faire prélever du sang pour protester contre le centre de la Sécurité sociale de la région de la Campanie, qui ne paye plus les salaires de ses 10 000 opérateurs sanitaires. L’idée a germé à Naples, la cité parthénopéenne symbole de la dolce vita italienne.

Mère de deux enfants, infirmière en milieu hospitalier, Mariarca Terracciano qui s’était endettée pour vivre et payer les traites de son appartement, a d’abord entamé une grève de la faim. Pour obliger l’État et l’Italie toute entière à comprendre l’ampleur de son drame, cette femme, âgée de 45 ans a ensuite également décidé de se faire ôter un peu de sang tous les matins.

Durant trois jours, un collègue de Mariarca Terraciano a effectué le prélèvement, 150 ml chaque fois, en milieu hospitalier. S’agissant d’une action inédite, la scène était systématiquement retransmise en direct sur une chaîne de télévision locale et sur le moteur de recherche Youtube. « Avec ce geste fou, je veux faire savoir au monde entier que la sécurité sociale joue avec ses salariés, qu’elle pompe leur sang », avait expliqué cette infirmière devant les caméras de télévision.

Mais l’affaire a tourné au drame. Au bout de trois jours de grève de la faim et de prélèvement sanguin, à la fin de la semaine dernière, le cœur de l’infirmière a lâché. Les résultats de l’autopsie n’ont pas encore été rendus publics. Mais le milieu médical estime que le décès de Mariarca Terraciano ne peut pas être attribué aux prélèvements sanguins ou à sa grève de la faim en raison de la courte durée de sa protestation. « Pour les dons du sang, on prélève généralement 500 ml, ce qui n’a pas été le cas pour cette infirmière qui avait peut-être des problèmes de santé. Toutefois, son état dépressif aurait dû pousser ses collègues à intervenir », note Bruno Zuccarelli, hématologue et syndicaliste des blouses blanches napolitaines.

Le très gros centre de la sécurité sociale de la Campanie (ASL) croule sous le poids d’un endettement estimé à 2 milliards d’euros. Plusieurs plaintes ayant été déposées par une dizaine de créditeurs, le tribunal de Naples a ordonné la saisie des 330 millions d’euros déposés sur les comptes de la sécurité sociale régionale. Privé de sa disponibilité financière, le centre a gelé les salaires. En parallèle, la direction a réclamé l’intervention du gouvernement Berlusconi.

Pour l’heure, les autorités ne bougent pas. Les arriérés de salaires des 10 000 opérateurs sanitaires de la Campanie n’ont toujours pas été débloqués et la colère monte dans les milieux hospitaliers. Depuis six jours d’ailleurs, six infirmiers employés dans une structure privée située à Naples se font prélever une petite quantité de sang tous les matins. Et selon la presse locale, la protestation pourrait prendre de l’ampleur.

 DE NOTRE CORRESPONDANTE ARIEL F. DUMONT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8773