Les temps des urgences

Une réponse complète et étagée

Publié le 05/12/2013
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La reconnaissance de la notion d’urgence psychiatrique est relativement récente. Longtemps, on a joué avec le paradigme « il est urgent d’attendre ». Pourtant, il y a des urgences en psychiatrie, même si le tempo de la réponse n’est pas le même qu’en SMUR.

Entretien avec le Dr Marie-Jeanne Guedj

EN 1989, le rapport Steg fait date. Il définit l’urgence psychiatrique comme ce qui est ressenti par n’importe quel protagoniste du drame – patient, famille, médecin – nécessitant une réponse immédiate pour éviter une aggravation. Exit symptômes et pathologie. Parce ce qu’« il y a urgence à parler quand la mort rôde » (D. Stern). Résultat, en 1995, la présence d’un psychiatre s’impose aux services d’acceuil des urgences (SAU). Même si, avec la pénurie de personnel, on est passé dans les services d’urgence (SU) à la notion de réponse psychiatrique (astreintes psychiatriques…).

Crises situationnelles, pathologies psychiatriques et urgences imbriquées.

En pratique, trois types de situations dominent les urgences : les crises situationnelles (familiale, au travail...) qui, non prises en charge, vont évoluer vers une pathologie d’angoisse, de stress ; les pathologies psychiatriques (diagnostic, décompensations) ; et les urgences intriquées (organiques et psychiatriques) notamment les gestes suicidaires, mais aussi par exemple les états maniaques sous corticoïdes.

Un recours accru en 20 ans.

La banalisation de la psychiatrie et la détresse psychosociale (précarité) ont accru les demandes depuis 20 ans. Sans compter les nouveaux outils de communications (téléphone, SMS, mails…) et l’information des usagers qui tendent à arriver avec un autodiagnostic. Or, la volonté de traiter rapidement par téléphone pour adresser le patient en consultation spécialisée, c’est l’arbre qui cache la forêt ou les TOC masquant une schizophrénie. Ce n’est pas tant le nombre de demandes qui a augmenté mais la complexité des demandes à investiguer.

Le CPOA : une réponse multiple et étagée.

Le Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) dispose d’un accueil téléphonique essentiellement dédié aux médecins et aux usagers (166 appels/jour, 70 % émanent de médecins, 30 % d’usagers) en plus d’un accueil sur place, loin de la seule fonction d’orientation et de triage.

Le traitement peut être rapide : accueil, évaluation, traitement court et orientation (consultation, réseau de soins…). Mais il y a aussi des lits d’urgence qui servent aux hospitalisations de 24 heures, en particulier des adolescents et des sujets âgés, et aux hospitalisations brèves de crise, pour quelques jours.

Des consultations de posturgence ont en outre été mises en place – quand le patient refuse l’avis médical, on lui propose de revenir jusqu’à trouver un accord, une alliance – et un accueil dédié aussi aux familles sans patient quand le malade refuse de se déplacer avec la possibilité, au besoin, de visites à domicile.

Soit une réponse complète, étagée, multiple. Sachant que le plus difficile reste d’être sûr de ne pas être passé à côté de quelque chose de plus grave. C’est pourquoi la sortie est toujours soumise à l’avis d’un médecin senior.

(1) Chef de pôle CPOA, hôpital Sainte-Anne, Paris.

 PASCALE SOLÈRE

Source : Bilan spécialistes