La Société Française de Cardiologie s’engage

Vers encore plus de transparence

Publié le 19/05/2011
Article réservé aux abonnés

COMMENT GÉRER au mieux la question des conflits d’intérêts dans le monde de la santé ? Cette question se pose aujourd’hui de manière aiguë pour toutes les sociétés savantes ayant des liens avec l’industrie pharmaceutique. « Je regrette le procès d’intention qui nous est fait à ce sujet. La Société française de cardiologie (SFC) n’a pas attendu les événements récents pour réfléchir à cette question », indique sa présidente, le Pr Geneviève Derumeaux. « Aujourd’hui, une société savante est inévitablement liée d’une manière ou d’une autre avec l’industrie, ne serait-ce que pour l’organisation de ses congrès. Et il est tout fait normal d’afficher tous ces liens avec les laboratoires qui peuvent nous aider pour organiser telle ou telle manifestation qui, sans ce soutien, ne pourrait pas avoir lieu », indique le Pr Derumeaux.

Une autre question est celle des liens que peuvent avoir des membres de la SFC avec un ou plusieurs laboratoires. « Depuis 2004, nous avons instauré une déclaration obligatoire des liens d’intérêts de tous les membres qui participent à nos activités scientifiques ou qui sont membres du conseil d’administration. Jusqu’à très récemment, ces déclarations étaient faites uniquement sur papier et conservées dans les archives de la SFC. Elles n’étaient donc pas consultables par une personne extérieure. Dans un souci de transparence, j’ai décidé que, dorénavant, ces déclarations devraient également être faites en ligne et publiées sur notre site en accès libre. Je reconnais qu’aujourd’hui, toutes les déclarations n’y figurent pas encore. C’est simplement une question d’actualisation. Il n’est pas toujours simple de faire comprendre à des gens qui ont déjà rédigé leur déclaration sur papier début janvier qu’ils doivent refaire cette déclaration en ligne. Mais cela sera fait, je m’y engage », assure la présidente de la SFC. Elle ajoute qu’aux dernières Journées Européennes, tous les modérateurs et les intervenants avaient l’obligation de démarrer leur intervention par une diapositive présentant leurs liens d’intérêt.

Le Pr Derumeaux souligne enfin que dès sa prise de fonction, en janvier 2010, elle a demandé au comité d’éthique de la SFC de travailler à la rédaction d’une charte visant à organiser au mieux les liens avec l’industrie. « J’attends que cette charte soit finalisée pour la rendre publique sur notre site, explique-t-elle. Il convient de préciser que cette charte concernera aussi nos relations avec les associations de patients. C’est quelque chose de très important. La parole des patients est essentielle et j’attends, pour la rédaction de la charte, la contribution de l’Alliance du cœur présidée par Jean-Claude Boulmer ».

Sinon, sous la présidence du Pr Derumeaux, la SFC compte bien poursuivre une de ses missions traditionnelles : la production de recommandations élaborées par ses groupes de travail ou adaptées à partir de textes européens. « Cette mission est placée sous la responsabilité d’une commission présidée par le Pr Olivier Dubourg. Celle-ci a deux rôles. Le premier est de proposer ou de revoir les recommandations qui peuvent être émises directement par la SFC. C’est ainsi que nous avons produit, par exemple, des recommandations sur l’échographie ou les valvulopathies. La commission est aussi chargée de revoir les recommandations européennes, de les faire avaliser par notre conseil d’administration, puis de les mettre en perspective par rapport à la réalité de la pratique cardiologique en France », indique le Pr Derumeaux.

Développer les registres.

La SFC entend aussi poursuivre la production de registres sur des thèmes susceptibles d’intéresser le monde la cardiologie ainsi que les autorités sanitaires. « Un de nos registres phare est FAST-MI, piloté par le Pr Nicolas Danchin sur l’infarctus du myocarde. Il en est à sa quatrième édition (1995, 2000, 2005, 2010) ce qui lui permet d’être le parfait reflet de l’évolution des pratiques dans la prise en charge de l’infarctus », indique la présidente de la SFC, en soulignant l’importance de ces registres. « Ils permettent notamment, en lien avec la Haute Autorité de santé (HAS), de définir des indicateurs qualité pour la prise en charge des patients, qui font aussi office de critères d’évaluation et de bonnes pratiques dans les établissements », souligne-t-elle.

Sous sa présidence, le Pr Derumeaux souhaite aussi développer des registres sur des thèmes plus transversaux ou atypiques. C’est ainsi que l’an passé, elle a demandé au Groupe des jeunes cardiologues en formation de travailler sur les patients âgés en cardiologie. « Ils ont fait un registre ponctuel d’une journée qui était une « photographie » de ce qui se passait en France, un jour donné, dans ce domaine. Dans le même esprit, nous sommes en train de finaliser un registre sur l’évaluation du risque cardio-vasculaire chez les femmes. C’est un thème qui me tient à cœur et qui reste encore peu étudié en France », indique la présidente de la SFC, en précisant que ce registre devrait être mis en place avant l’été. Le projet sera piloté par le Groupe des jeunes cardiologues, avec la participation de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et du Collège national des cardiologues français (CNCF). « L’objectif est de faire une comparaison hommes/femmes, pendant une semaine, sur la prise en charge du syndrome coronarien aigu. Nous souhaitons aussi nous intéresser à la perception du risque par les patientes, leur entourage et, si possible, leur médecin traitant ».

D’après un entretien avec le Pr Geneviève Derumeaux, présidente de la Société française de cardiologie.

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes