Insuffisance cardiaque et fibrillation atriale

Vers un bouleversement des pratiques

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Publié le 05/10/2017
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Crédit photo : Phanie

La prise en charge thérapeutique de la fibrillation atriale au cours de l’insuffisance cardiaque demeurait incertaine, deux attitudes étant possibles, le contrôle du rythme ou celui de la fréquence cardiaque. Jusqu’à présent, la stratégie de contrôle du rythme ne s’était pas révélée supérieure à celle du contrôle de la fréquence pour réduire la morbi-mortalité au cours de l’insuffisance cardiaque (1), où seule l’amiodarone peut être utilisée en raison des effets pro-arythmogènes ou inotrope négatif des autres anti-arythmiques (2). L’utilisation des techniques d’ablation semblait donc séduisante, le retour en sinusal étant associé à une augmentation de la fraction d’éjection, à une amélioration de la qualité de vie et de la performance à l’effort.

Au cours de l’étude AATAC-HF (3), ayant inclus 203 patients présentant une FA persistante et une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr, FE < 40 %) en stade III de la NYHA, appareillés d’un défibrillateur automatique implantable avec ou sans resynchronisation, naïfs d’amiodarone ou sous une faible dose de cet anti-arythmique, l’ablation des veines pulmonaires associées dans 80 % de ces cas à la réalisation de lignes additionnelles, dont une deuxième procédure était autorisée dans les 3 mois suivant la première, en comparaison au traitement par amiodarone, après un suivi de 1 à 6 mois, a diminué de 2,5 fois le risque de récidive de fibrillation atriale, qui était le critère primaire, le maintien en rythme sinusal étant associé à un gain de 9,6 % de la fraction d’éjection. De plus avait été observée dans le groupe ablation une diminution significative du risque d’hospitalisation urgente de -45 % et du risque de décès de -50 % qu’il restait à confirmer par un essai spécifique, ce qui a justifié à la réalisation de l’étude CASTLE-AF présentée à Barcelone.

Étude CASTLE-AF : une réduction de 47 % de la mortalité avec la procédure d’ablation

Cet essai a inclus 363 patients présentant une ICFEr (FE ≤ 35 %) en classe II ou plus de la NYHA et une fibrillation atriale symptomatique, paroxystique ou persistante, après échec ou intolérance d’un anti-arythmique, implantés d’un défibrillateur automatique, avec ou sans stimulation multisite, suivis par télésurveillance à domicile. Après randomisation, 179 patients ont été traités par ablation, comportant systématiquement une isolation des veines pulmonaires associées ou non à d’autres lésions additionnelles selon la décision de l’opérateur, procédure pouvant être répétée en cas de récidive, et 184 par traitement conventionnel. Il s’agissait de patients relativement jeunes, 62 ans en moyenne, le plus souvent en stade II de la NYHA, présentant majoritairement une fibrillation atriale persistante, très bien traités, recevant très souvent de l’amiodarone. Après un suivi médian de 37,8 mois, le critère primaire, associant les décès totaux et les hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque, est significativement réduit de 38 % dans le groupe ablation, réduction portant autant sur la mortalité toute cause (-47 %) que sur les hospitalisations (-44 %) (schéma 1).

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Parmi les critères secondaires, on observe une réduction significative de 51 % de la mortalité et de 28 % des hospitalisations cardiovasculaires. Ce bénéfice est associé à une majoration de la fraction d’éjection de 5 % la première année et de 8 % à la fin de l’étude et à une diminution d’environ 50 % de la charge en fibrillation atriale qui se maintient au long cours, avec un suivi pouvant atteindre 5 ans (schéma 2).

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L’analyse en sous-groupe révèle l’homogénéité des résultats, notamment quelle que soit la classe de la NYHA ou le type de FA. Les effets secondaires sont attendus et rares, avec dans le groupe ablation 3 épanchements péricardiques, 3 hématomes sévères mais moins d’AVC.

Bien sélectionner les patients

Cette petite étude par le nombre de patients inclus, confirmant les données de l’essai AATAC-HF, en démontrant une amélioration considérable du pronostic des patients présentant une ICFEr et une FA après ablation par radiofréquence, pourrait bouleverser nos pratiques à condition d’une bonne sélection des patients à qui proposer une telle procédure. Dès à présent, une méthode ablative peut être proposée précocement, sans attendre, à la différence des patients non insuffisants cardiaques, l’échec du traitement anti-arythmique, chez deux types de patients présentant une ICFEr et une FA paroxystique ou persistante, ceux chez qui on découvre de manière concomitante ces deux pathologies et donc suspect de tachycardiomyopathie, dont la maladie régressera avec le retour en rythme sinusal, et les patients connus porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche dont l’état clinique s’aggrave lors d’un passage en FA pour enrayer le cours évolutif de la maladie.

Les centres d’insuffisance cardiaque et de rythmologie doivent donc plus que jamais travailler de concert et confirmer ces premières données par un essai thérapeutique d’envergure.

CHU Rangueil (Toulouse)
(1) Roy D, Talagie M, Nattel S, et al. Rhythm control versus rate control for atrial fibrillation and heart failure. N Engl J Med 2008; 358:2667-77
(2) Kober L, Torp-Pedersen C, McMurray JJ, et al. Increased mortality after dronedarone therapy for severe heart failure. N Engl J Med 2008; 358 : 2678-87
(3) Di Biase L, Mohanty P, Mohanty S, et al. Ablation versus amiodarone for treatment of persistent atrial fibrillation in patients with congestive heart failure and an implanted device : results from the AATAC multicenter randomized trial. Circulation 2016;133(17):1637-44

Pr Michel Galinier

Source : lequotidiendumedecin.fr