Voyages, voyages

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Publié le 08/11/2017
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visuel Cendrars 2

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visuel Gauguin

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visuel Deville

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visuel Cendrars 3

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visuel Cendrars 1

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Comment voyager aujourd’hui en l’absence de Terra Incognata ? Faut-il suivre l’exemple de Patrick Deville ? L’écrivain aujourd’hui populaire après une longue marche tisse le fil de ses voyages personnels avec la mémoire des livres et le récit des grands explorateurs d’hier. L’actualité bouscule l’Histoire. L’intime se fraye un chemin au sein de l’épique. Dans son dernier ouvrage paru cet automne, le récit de sa propre famille cette fois-ci est au cœur de l’Histoire. Le second Empire tutoie notre temps avec l’irruption des attentats de 2015. Cette histoire personnelle de France témoigne d’un amour du pays de Michelet transmis dans ses dix-neuf volumes reçus en héritage. Le petit boiteux, opéré de sa luxation de hanche dans les années soixante, a depuis fait un long chemin depuis Saint-Brévin (Loire Atlantique) jusqu’au fin fond de l’Afrique et de l’Asie. Son Taba-Taba n’est peut-être pas son meilleur livre. Le procédé narratif manque parfois de fraîcheur.

L'or, chef d'oeuvre incandescent de Cendrars

Mais cette histoire et géographie du temps qui passe est toujours efficace. Patrick Deville tout au long de ces livres ne cesse de reconnaître ses dettes d’écrivains. Blaise Cendrars est bien sûr l’un de ses hérauts. Et Moravagine occupe une place à part dans Taba-Taba. On peut le lire désormais publié dans les œuvres poétiques et romanesques complètes qui viennent de paraître dans la Bibliothèque de la Pléiade. Outre Moravagine, l’Or, chef d’œuvre incandescent, rapide, à l’écriture cinématographique agit toujours comme un aimant sur le lecteur. La biographie romancée du général Johann August Suter, millionnaire ruiné par la ruée vers l’or à San-Francisco, a inauguré un genre littéraire où s’inscrit aujourd’hui Patrick Deville. Dans son travail d’édition exemplaire, Claude Leroy qui connaît admirablement l’œuvre de Cendrars nous rappelle comment l’écrivain manchot a emprunté à Gérard de Nerval sa devise « Je suis l’autre ». Il reprend à plusieurs reprises cette citation notamment au moment où il invente à New-York son pseudonyme en 1912. faute de voyager cet hiver en vrai, on s’installera dans son fauteuil. Outre Blaise Cendrars, la bibliothèque de la Pléiade cultive dans ces dernières parutions une ode au voyage avec une édition des œuvres les plus célèbres de Joseph Conrad er un nouveau volume consacré à Jules Verne avec Le tour du monde en 80 jours et Michel Strogoff, deux auteurs qui ont nourri Patrick Deville.

La vie de Gauguin est un roman

Une fois épuisé les plaisirs de la lecture, le voyageur en chambre naviguera alors jusqu’aux îles Marquises. Après l’exposition consacré à Paul Gauguin au Grand-Palais, le beau-livre de référence de June Hargrove nous invite à découvrir un artiste, mauvais mari, mauvais père qui a participé à l’invention de l’art moderne. Son œuvre a inspiré les Demoiselles d’Avignon de Picasso par exemple. Sa vie est un roman. Petit-fils de la militante socialiste et fervente féministe Flora Tristan, il est même un temps boursicoteur. Il finira toutefois misérablement sa vie pour se consacrer à son œuvre toute entière mobilisée par sa devise « Emotion d’abord, compréhension ensuite ». Les couleurs vives, non réalistes appelle à se libérer de l’académisme. Le sauvage poétique fusionne dans ses toiles christianisme, bouddhisme et les légendes maoris comme dans son chef-d’œuvre D’où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous ?

Au-delà de ces interrogations métaphysiques le lecteur s’essayera avec modestie à mettre en pratique l’invitation qui clôt cette somme « Faîtes ce que vous voulez, pourvu que cela soit intelligent ». Sommes-nous-concernés ?

Taba-Taba, Patrick Deville, éd. du Seuil, 430 pp., 20 euros.
Blaise Cendrars, œuvres poétiques et romanesques complètes, deux volumes, bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard, 59 euros et 56 euros jusqu’au 31 mars 2018.
Gauguin collection Les Phares, éd. Citadelles & Mazenod, 432 pp., 480 illustrations en couleur, 189 euros.


Source : Décision Santé: 309