Un gradient nord-est sud-ouest

Zoom sur l’épidémiologie de la SEP

Publié le 29/09/2009
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«  L’ÉPIDÉMIOLOGIE de la SEP en France est intéressante car il s’agit d’un pays dont la position est intermédiaire en Europe, située entre les zones de forte et de faible prévalence », écrivent les spécialistes du service de neurologie de l’hôpital général de Dijon. Or, l’incidence et la prévalence de cette affection demeurent imparfaitement connues dans notre pays, car aucun registre spécifique de recueil des cas n’a été créé et l’on ne dispose que des données partielles, de l’Assurance-maladie ou de certains hôpitaux.

• Données sur l’incidence

La première étude a été réalisée à Dijon, en 2000, à petite échelle montrant dans la ville une incidence estimée à 4,3 pour 100 000 hts. En 1999, la CNAM a calculé une incidence nationale de 7,91/100 000 hts. Un gradient nord-est sud-ouest est apparu. Entre 1990 et 2002, en Lorraine, le taux d’incidence standardisé par âge et par sexe était de 5,5/100 000 hts : 7,6 parmi les femmes et 3,2 parmi les hommes. Plus récemment, une étude dans cette région révèle une augmentation de l’incidence, qui passe à 7/100 000, mais uniquement par élévation de l’incidence féminine (9,8/100 000) alors que le taux ne change pas pour les hommes.

L’incidence semble augmenter en France, de même que dans d’autres pays (Allemagne, Espagne, Italie…). Cette augmentation d’incidence peut relever d’un artefact (meilleure inclusion de cas, diagnostics plus précoces), mais pas uniquement. Elle concerne uniquement les femmes, avec une augmentation du sexe ratio femmes/hommes et uniquement les formes rémittentes de la SEP. Une méta-analyse montre que « l’incidence de la SEP est plus forte dans les pays dont la latitude est la plus élevée ».

• Prévalence

Les études ponctuelles à partir de registres hospitaliers montraient dans les années 1970-1980 une prévalence évaluée à 40/100 000 hts. En 1986, la première étude nationale (Lhermitte et al.) a estimé la prévalence entre 30 et 40 pour 100 000. Par la suite, la Mutualité sociale agricole (MSA) a eu l’initiative d’une étude utilisant une méthodologie standardisée homogène sur tout le territoire avec les données d’ALD. Ce qui montre en 2003 une prévalence nationale évaluée à 65,5/100 000 (96,3/100 000 chez les femmes et 41,9/100 000 chez les hommes). Un gradient nord-est sud-ouest est alors confirmé.

Pour être plus représentatif de la population française, l’équipe dijonnaise a mené une étude en collaboration avec la CNAM. À partir des données d’ALD pour la SEP de 2004, la prévalence nationale est évaluée 95,66 pour 100 000. La prévalence de la SEP chez les femmes est de 134,90 pour 100 000 et de 54,12 chez les hommes. Ainsi, « la prévalence en France souvent considérée aux alentours de 50/10 000 hts est probablement sous-estimée ». Toutes les SEP ne sont pas déclarées en ALD et les formes précoces ou bénignes ne sont probablement pas prises en compte.

Les observations récentes donnent des chiffres par région et confirment le gradient nord-est (100-143/100 000) sud-ouest (60-75/100 000 dans l’hexagone. Un tel gradient est décrit aussi dans d’autres pays : États-Unis, Russie, Australie, Nouvelle-Zélande ; et, plus près, Irlande, Grande-Bretagne. Il a été confirmé en France et en Grande-Bretagne, après des ajustements pour l’âge et le sexe. Ce phénomène demeure inexpliqué. Des facteurs environnementaux sont étudiés. Parmi eux, une relation inverse entre le nombre d’heures d’ensoleillement et la prévalence de la SEP a été mise en évidence. D’autres hypothèses sont discutées : infections, carence en vitamine D.

• Cas particulier de la Martinique

Depuis une quinzaine d’années, nous avons assisté à l’émergence des premiers cas de SEP en Martinique. L’incidence est passée de 1/100 000 dans les années 1990 à 17,5/100 000 parmi les Français afro caribéens en 2008. Une amélioration de l’inclusion des cas et de l’accessibilité aux centres de traitement rend compte pour une part de ce phénomène.

Revue Neurologique (organe de la Société Française de Neurologie) ; tome 165, août septembre 2009, n° 8-9, p. 671-675.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr