Courrier des lecteurs

Réaction à l’article sur les recommandations 2025 pour la réanimation cardiopulmonaire

Publié le 19/12/2025
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Suite à l’article “Arrêts cardiaques : une approche systémique pour sauver des vies” publié dans le n° 10 089 du 5 décembre 2025, l’Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs (ARLoD) apporte des précisions.

Votre article insiste à juste titre sur l’importance des recommandations du Conseil européen de réanimation (ERC) qui ont été récemment publiées et qui mettent l’accent sur la formation aux gestes qui sauvent et à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes (DAE). Nous vous remercions de mettre la lumière sur le rôle clef du premier témoin dans la chaîne de survie. PMais nous nous permettons de compléter les informations et de corriger quelques inexactitudes.

Il est exact que la France est très en retard par rapport à d’autres pays européens quant à l’initiation et la formation aux gestes de premiers secours et très loin du souhait exprimé par le président de la République en 2018 soit 80 % de la population initiée ou formée en 2022. Lors du séminaire Arrêt cardiaque extra-hospitalier, de l’appel à la défibrillation précoce : où en sommes-nous ?”en mars 2024, organisé au ministère de la Santé par notre association ARLoD (Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs), le Dr Pascal Cassan, directeur du centre mondial de référence des premiers secours, estimait qu’au grand maximum 40 % de la population était formée et qu’à la vitesse actuelle, il faudrait au moins seize ans pour atteindre l’objectif. Il est temps en effet d’utiliser tous les moyens actuels pour accélérer la formation dès le plus jeune âge et faire les injections de rappel nécessaires au cours de la vie.

Il est temps en effet d’utiliser tous les moyens actuels pour accélérer la formation dès le plus jeune âge

Votre article indique que « la législation européenne rend désormais obligatoire la connaissance de la RCP dans l’examen théorique du permis de conduire ». Nous regrettons que ce ne soit pas une réalité. Lors de la discussion en France par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale de la proposition de loi N° 1229 visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie présentée par le député Salvatore Castiglione, cette obligation n’a pas été retenue car pouvant constituer un handicap financier pour certains candidats. La loi dans son ensemble n’a de plus pas pu être votée en assemblée plénière faute de temps.

L’intérêt d’une défibrillation la plus précoce, et donc par le premier témoin, est reconnu et recommandé par l’ERC, et constitue une étape importante de la prise en charge d’un arrêt cardiaque, dès lors que le témoin a reconnu l’arrêt cardiaque, alerté les secours et entrepris les compressions thoraciques.

Vous indiquez un taux d’utilisation d’un DAE de l’ordre de 2 % avant l’arrivée des secours et précisez que 30 % des DAE ne seraient pas accessibles 24 heures sur 24. Ces données méritent d’être corrigées.

Lors du séminaire ARLoD de 2024, le Pr Pierre-Yves Gueugniaud a présenté les données du Registre électronique des Arrêts Cardiaques (RéAC) regroupant les données recueillies lors des interventions par les Structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR).

Pour l’année 2023, le taux d’utilisation d’un DAE en accès public est de 14,8 %. Il faut noter que, depuis la loi n° 2018-527 du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque et les textes qui ont suivi avec l’obligation pour les établissements recevant du public (ERP) de s’équiper, le nombre de DAE en accès public est passé entre 2020 et 2024 de 180 000 à environ 500 000 aujourd’hui.

Quand un DAE est utilisé, le taux de délivrance de choc sur la période 2013-2024 n’est que de 30,7 % et 32,4 % en 2023. Il s’explique par l’absence d’indication de celui-ci en raison d’un délai trop long entre l’arrêt cardiaque et l’installation du défibrillateur.

L’utilisation des DAE doit être mise en rapport avec trois données : leur localisation, leur accessibilité et leur opérationnalité. La base nationale des DAE (Géo’DAE) créée par la loi "défibrillateurs" et gérée par la Direction générale de la santé (DGS) a pour objectif d’être la plus exhaustive possible et mise à jour. Les exploitants de DAE ont obligation de déclarer à Géo’DAE et doivent également assurer la maintenance des défibrillateurs.

Géo’DAE recensait fin 2024, 136 608 DAE sur les 500 000 soit 28 % (Publication Resuscitation 2025;207:110502). Seulement 19 % étaient accessibles H24 et 7 J/7 (n = 26 833). Dans la dernière mise à jour de Géo’DAE analysée par ARLoD, nous avions au 26 octobre 2025, 160 029 recensés (sur les 500 000 estimés en France), soit un peu plus de 30 %.

Seulement 19,06 % (n = 30 511) étaient accessibles H24 et 7 J/7.

Des actions sont à mener pour faire connaître de tous les exploitants de DAE l’obligation de déclaration à Géo’DAE et tendent vers une exhaustivité des données. Il est également nécessaire de mettre en avant la nécessité de mettre en place des DAE accessibles H24 malgré le coût supplémentaire (boîtier chauffé et ventilé) et le risque de dégradation ou de vol à sanctionner sévèrement.

Dernier point important : les DAE sont-ils fonctionnels ?

Lors du séminaire ARLoD de mars 2024, un audit préalable à une prestation de maintenance effectué sur 6 021 DAE d’occasion en 2021-2023 a révélé des risques de non-fonctionnement dans près de 60 % des cas. Plus de la moitié résulte de consommables périmés. Dans 27 % des cas, il s’agit de mauvais stockage, de problème de matériovigilance de DAE ou d’électrodes, de consommables non conformes ou de pile de sauvegarde périmée. (Publication Resuscitation 2024;202:110333).

Il paraît important de bien distinguer ce que doivent être la surveillance des DAE et leur maintenance et de définir la qualification des techniciens en charge, la fréquence des interventions sur site et le contenu des opérations de maintenance. Une proposition de loi transpartisane n° 1090 a été déposée à l’Assemblée nationale par le député Laurent Mazaury, visant à garantir la maintenance des défibrillateurs automatisés externes.

Dès qu’il aura été possible d’avancer aussi bien sur l’initiation et la formation aux gestes qui sauvent que sur la maintenance des DAE, il faudra se poser la question de l’équipement des ensembles d’habitation car 70 % des arrêts cardiaques extra-hospitaliers ont lieu au domicile.

Précisions du Pr Guillaume Debaty

L’article s’intéressait aux avancées proposées par l’European Resuscitation Council pour améliorer la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Je remercie l’association ARLoD des précisions sur les données françaises actualisées concernant la disponibilité des défibrillateurs. Comme souligné, ces données partielles mettent en lumière une problématique d’accès et de fonctionnalité des défibrillateurs en accès public. Il n’existe malheureusement pas de données fiables au niveau européen.

Concernant le permis de conduire, l’initiative « Learn to Drive. Learn CPR », menée par l'European Resuscitation Council et la Fédération européenne des auto-écoles (EFA), prône l'inclusion généralisée de la formation à la RCP dans l'éducation à la conduite. Ces efforts ont abouti à un développement législatif significatif : le Parlement européen a approuvé la formation obligatoire à la RCP dans sa proposition de directive sur le permis de conduire. Une fois ratifiée, cette directive exigera que tous les nouveaux conducteurs de l'Union européenne suivent cette formation dans le cadre de leur processus d'obtention de permis. La mise en application ne sera pas immédiate : les États disposeront de quatre ans après la ratification européenne pour se mettre en conformité. C'est une évolution importante, surtout après l'échec en France de la proposition de loi n° 1229 (député Salvatore Castiglione) qui visait cette généralisation, mais n'avait pas été retenue pour des raisons financières.

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Dr Bruno Thomas-Lamotte, Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs (ARLoD)

Source : Le Quotidien du Médecin