Des formations et des groupes de parole pour ne pas craquer

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Publié le 14/11/2019
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Crédit photo : S. Toubon

« Pour prendre en charge la détresse psychique des patients migrants, la motivation ne suffit pas, explique le Pr Marie-Rose Moro, pédopsychiatre à Paris-Descartes, spécialisée dans les recherches sur les forces et les fragilités psychiques des migrants. La présidente de l’association internationale d’ethnopsychiatrie a donc créé le DU psychiatrie et compétences transculturelles qui utilise la culture des patients et leurs différences avec nos repères culturels comme des leviers thérapeutiques. « Nous proposons une formation avec différentes options, le traumatisme, les réfugiés, l’humanitaire, l’école de la médiation et nous nous adressons à des médecins, internes, infirmières, sages-femmes et autres psychologues qui nous soumettent leurs motivations. Une sélection doit être opérée car nous ne pouvons admettre que 55 professionnels chaque année ; la priorité va aux démarches concrètes, appuyées sur une prise en charge collective. »

« Si la France est leader en Europe pour ces formations, avec quelques DU et deux modules optionnels « médecine et diversité » proposés depuis trois ans à Paris-Descartes, nous ne sommes pas pour autant à la hauteur des besoins, regrette le Pr Moro. Les médecins qui soignent les migrants ne sont pas assez nombreux et ils ne sont pas assez formés à des pratiques qui risquent de les épuiser s’ils n’y sont pas préparés. »

De la personnalisation à la professionnalisation.

Et c’est parce que les associations et les structures spécialisées sont justement confrontées aux phénomènes de burn-out chez nombre de leurs volontaires et de leurs salariés qu’elles ont souvent mis en place des groupes de parole. Expert notamment à la cour pénale internationale, spécialiste des réfugiés, le psychologue et psychanalyste Juan Boggino vient ainsi de créer au SAMU social un de ces espaces « pour que les membres des équipes, viennent déposer leurs difficultés. Par groupe d’une dizaine, une fois par mois pendant deux heures, ils évoquent la manière dont ils rencontrent les expériences traumatiques, ils partagent les répercussions personnelles des phénomènes violents qu’ils côtoient à l’intérieur des centres d’accueil ou au cours des maraudes dans les campements. »

« Ces groupes n’ont pas de vocation thérapeutique, ils permettent de repérer les intervenants qui pourraient craquer, avec des symptômes annonciateurs. Le rôle de l’animateur est d’inviter les membres du groupe à sortir de la personnalisation pour aller vers la professionnalisation de leur rôle. Une certaine distance les protège eux-mêmes et leur permet d’avoir une meilleure efficacité. De ce point de vue, le rôle du groupe est indispensable. C’est une erreur de penser qu’on peut exercer seul une pratique médicale auprès des migrants. »

Ch. D.

Source : Le Quotidien du médecin