« Pour certains patients alcoolo-dépendants, la réduction des quantités d'alcool prises quotidiennement est suffisante pour diminuer les risques liés à la consommation d'alcool », reconnaît le Pr Henri-Jean Aubin. Un discours qui bat en brèche celui de « l'abstinence complète » pour tout sevrage alcoolique tenu depuis des décennies pour les spécialistes en la matière ou les associations d'anciens buveurs.
POURQUOI CE CHANGEMENT DE PARADIGME ?
C'est l'arrivée de nouvelles molécules proposées dans le sevrage alcoolique comme le baclofène ou le nalméfène qui, par leur efficacité sur le « craving » (impulsion irrépressible à boire) ont permis de se consacrer davantage aux circonstances qui favorisent la consommation d'alcool qu'au contrôle de l'abstinence complète.
LES INDICATIONS
› Ce nouveau type de prise en charge concerne « les patients dont la dépendance à l'alcool n'est pas trop sévère , sachant qu’il n’y a pas de seuil au-delà duquel il n’est plus indiqué de revenir à une consommation modérée. Il est possible alors de fixer un objectif de consommation à travers une discussion qui répertorie les types et les quantités d'alcool consommés et lesquels pourront être réduits. L'évaluation du contexte psycho-social est plutôt simple à faire et peut être réalisée sans difficultés?», précise le Pr Henri-Jean Aubin.
› Mais il existe aussi des circonstances où l’abstinence est fortement recommandée : les femmes enceintes pour lesquelles la grossesse est une opportunité d'arrêter complètement de boire, compte tenu du risque majeur d'alcoolisation fœtale, la présence de comorbidités importantes et une dépendance sévère à l'alcool.
L’AGENDA DE CONSOMMATION
Outil indispensable de ce type de prise en charge : l'agenda de consommation tenu par le patient. Outre les conseils habituels sur les doses à ne pas dépasser pour les hommes et les femmes (21 verres standards par semaine chez l’homme et 14 chez la femme en théorie) et les équivalences entre les divers alcools, cet agenda permet de responsabiliser le patient.
› Il notera en particulier sa consommation quotidienne et la consultation de suivi cherchera, sans culpabiliser, à comprendre les facteurs précipitants d'une consommation un peu plus élevée que la moyenne certains jours. Cette approche met le patient au centre de la démarche thérapeutique : il décide avec son médecin des stratégies à mettre en œuvre lors des circonstances qui peuvent favoriser la prise d'alcool (fête, repas convivial, solitude...) et ainsi redonne du sens à sa capacité à conduire sa vie et à prendre des décisions. À noter aussi l'arrivée récente d'applications smartphones qui favorisent le monitorage quotidien de la consommation d'alcool.
UNE PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE
Ce nouveau type de prise en charge concerne une majorité de patients alcoolo-dépendants et peut être réalisé en ambulatoire par le médecin généraliste. « Les généralistes sont en contact avec 75 % de la population française et ils bénéficient d'une grande confiance de la part de leurs patients (96 %). L'addiction à l'alcool étant une maladie chronique hautement récidivante, elle nécessite un suivi sur le long terme que le médecin généraliste peut assurer », constate le Pr Aubin.
Les complications de cette pathologie comme le risque d'hypertension, d'hépatopathie ou de pancréatite ne doivent pas être négligés pour autant et seront surveillés au décours des consultations régulières par la prise de tension, un examen clinique et un bilan biologique de temps en temps. Mais, pour le Pr Aubin, « la surveillance biologique avec un bilan hépatique n'est pas primordiale car elle ne donne pas un support fiable témoignant de la réduction des consommations d'alcool ».
› Mais, parfois, la prise en charge en ambulatoire est plus difficile à mettre en œuvre et l'indication d'une hospitalisation est nécessaire en présence d'un contexte psycho-social toxique (familial, amical ou professionnel) ou de comorbidités sévères comme une épilepsie par exemple.
EN CONCLUSION
Outre la responsabilisation du patient dans sa démarche de soins, ce type de prise en charge présente aussi l'intérêt d'être plus « réaliste » par rapport aux objectifs à atteindre.
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