VAGINOSE BACTÉRIENNE ET INFECTIONS GÉNITALES BASSES
On dénombre quatre types d’infections génitales basses dont une seule est une infection sexuellement transmissible par un parasite : le trichomonas vaginalis. Les trois autres sont la mycose (à Candida Albicans dans plus de 90 % des cas), la vaginite aérobie et la vaginose bactérienne. Les principales différences sont décrites dans le tableau 1. La vaginose bactérienne correspond à la prolifération de germes anaérobies, engendrée par un déséquilibre du microbiote vaginal.
FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS PROTECTEURS
→ Le microbiote vaginal est de mieux en mieux connu. On retrouve ainsi près de 250 germes pouvant faire partie d’un vagin normal (1) dans un équilibre généralement résiliant aux changements hormonaux, aux menstruations ou aux rapports sexuels. Ceci est possible du fait de la production de glycogène par le vagin sous l’effet de l’estradiol et par la desquamation des cellules vaginales sous l’effet de la progestérone permettant la libération des glucides produits (1). Certains lactobacilles (il y en a plus de 120 décrits) profitent de cette production pour prospérer et fabriquer en échange de l’acide lactique protégeant contre le développement d’autres germes. Certains lactobacilles comme le L Crispatus produisent du peroxyde d’hydrogène permettant de limiter le développement de la vaginose.
La vaginose bactérienne est le résultat d’un déséquilibre de cette flore au profit de germes anaérobies, généralement Gardnerella Vaginalis, Mobilincus sp, Mycoplasma Hominis, Peptostreptococcus sp, Atopobium vaginae, Leptotrichia amnionii.
Le terme d’infection à Gardnerella Vaginalis est désormais impropre pour plusieurs raisons :
– Garderella n’est pas un pathogène à proprement parler.
– Il ne représente qu’un des germes pouvant être retrouvés lors de l’infection.
– Il est parfois même absent lors d’une vaginose bactérienne.
Certains germes de vaginose (les BVAB - Bacterial Vaginosis Associated Bacteria) n’ont pas de nom spécifique et sont difficiles à mettre en culture (2).
→ Un vagin normal présente un pH inférieur à 4,5, favorable à l’équilibre du microbiote. La prolifération des germes anaérobies au détriment des lactobacilles peut être favorisée par une augmentation du pH comme l’eau chez les femmes pratiquant la douche vaginale ou le sperme chez les femmes ayant des partenaires multiples (3). D’autres facteurs de risque authentifiés sont démontrés comme le tabagisme (3).
→ À l’inverse, les femmes ayant des rapports protégés par préservatif ou utilisant une contraception œstroprogestative sont plus protégées de la vaginose bactérienne par l'absence de sperme dans le vagin pour les unes et par l'augmentation de la production de glycogène sous l’action hormonale pour les autres. D'autres facteurs protecteurs sont un taux d’œstrogènes élevé ou l’utilisation de la coupe menstruelle (4).
→ Une fois le déséquilibre bactérien lancé, un biofilm va être produit par les bactéries anaérobies, essentiellement le Gardnerella Vaginalis (6). Cette “glue” microbienne va donc poursuivre le déséquilibre en empêchant la desquamation vaginale et la libération glucidique.
→ Il existe de nombreux mythes et malentendus sur la vaginose bactérienne. Certaines femmes sont persuadées qu’il s’agit d’une IST du fait de son apparition lors de rapports non protégés. D’autres ont fait un amalgame entre la douche vaginale qui est un vrai facteur de risque et l’excès d’hygiène, le type de savon ou le type de sous-vêtements qui eux n’ont aucun impact démontré (5).
CONSÉQUENCES PSYCHOSOCIALES ET PARFOIS MÉDICALES
Les vaginoses bactériennes peuvent générer un retentissement émotionnel, altérer la fonction sexuelle du fait des symptômes généralement plus ressentis par la femme que par son entourage. Il existe cependant quelques exceptions pour lesquelles une vaginose bactérienne pourrait engendrer des risques médicaux. Une vaginose bactérienne peut favoriser la transmission du VIH chez les femmes à risque. Par ailleurs, si une femme nécessite un geste endo-utérin comme une hystéroscopie, le fait d’avoir une vaginose préexistante majore le risque d’infection post-opératoire. Concernant la grossesse, même si la vaginose bactérienne est un facteur de risque de rupture précoce des membranes, sa prise en charge ne semble pas changer le pronostic. De ce fait le dépistage a été abandonné (7).
LE DIAGNOSTIC
Les symptômes et l'examen clinique
La plainte principale de la femme est la présence de leucorrhée malodorante. Historiquement, on attribuait à la vaginose des pertes odorantes, peu inflammatoires, ayant une odeur de poisson. Si ces critères sont orientants, ils peuvent parfois être trompeurs avec une vaginite aérobie.
→ L’examen clinique décrit habituellement des pertes faibles, blanches ou grises, adhérentes et odorantes. Cependant, l’examen lui aussi est imparfait. Pour améliorer le diagnostic, on a proposé l’association à la clinique des critères d’Amsel, réalisables en consultation : pertes homogènes, blanches et adhérentes, un pH vaginal supérieur à 4,5, un test à la potasse positif (sniff test) et la présence de “cellules indice” (clue cells) à l’examen direct sur lame. Si la femme “coche” trois critères sur quatre, le diagnostic de vaginose peut être posé. En pratique, ces tests réalisables en consultation, mais contraignants, ne sont pas réalisés par les praticiens. Par ailleurs, leur valeur diagnostique était imparfaite, avec une sensibilité à 69 % seulement (8).
Diagnostic paraclinique
La vaginose bactérienne relève plus d'un déséquilibre de la flore que de la présence d’un germe pathogène. Le prélèvement vaginal ne permettra donc pas de déterminer quel germe est la cause de l’infection, puisque tous peuvent être présents à l’état physiologique.
Sur le plan bactérien, l’absence de lactobacille et la représentation trop importante de germes anaérobies est un premier point orientant.
Par ailleurs, on pourra regarder la présence éventuelle de clue cells et l’absence ou la faible proportion de leucocytes qui sont autant d’arguments en faveur de la vaginose bactérienne.
→ Pour aider le praticien, de plus en plus de laboratoires proposent la réalisation du score de Nugent (9). Cet examen qui est fait à partir du prélèvement consiste à évaluer la population de lactobacilles et des principaux anaérobies de la vaginose bactérienne (Gardnerella, Bactéroïdes et Mobilincus). À l’aide de ces éléments, on peut envisager trois groupes de flores : la flore normale (score entre 0 et 3), la flore intermédiaire (score entre 4 et 6) et la flore de vaginose bactérienne (score de 7 à 10). À ce jour, le score de Nugent est la référence dans le diagnostic de la vaginose bactérienne.
D’autres laboratoires rendent un résultat en fonction du type de flore (habituellement de 1 à 3) à la place du score de Nugent (tableau 2) (10).
Faire la synthèse diagnostique
Cependant, le score de Nugent ne peut pas tout faire car la flore peut être temporairement déséquilibrée sans engendrer de symptômes. Des femmes de 14 à 49 ans participant à une enquête de santé avaient accepté de réaliser un prélèvement vaginal pour réaliser un score de Nugent. Sur 29 % ayant un score de Nugent évoquant une vaginose bactérienne (≥ 7), seulement 15,7 % avaient des symptômes (11).
Les auteurs s’accordent à dire qu’il n’existe donc pas de critère parfait et le diagnostic se fera sur un faisceau d’arguments chez une patiente consultant pour symptômes et présentant un aspect clinique évocateur, éventuellement complété par des éléments cliniques réalisables aisément en consultation (pH) et/ou à l’aide d’un score de Nugent (11).
TRAITEMENT
→ Le métronidazole est le traitement de référence, avec généralement une posologie à 500 mg x 2 par jour pendant 7 jours (12). Cependant, le tinidazole 2 g par jour pendant 3 jours pourrait être préféré du fait d’une pharmacocinétique adaptée et d’un taux de récidive probablement plus faible (13). Les femmes seront prévenues de l’éviction de l’alcool pendant la durée du traitement du fait de l’effet du disulfirame. Même si cela a pu être recommandé, le traitement du partenaire est désormais inutile : il ne s’agit pas d’une IST d’une part (11), et cela ne change pas les récidives d’autre part.
→ De nombreux traitements sans efficacité curative sont parfois utilisés par les femmes, comme l’application intravaginale d’huile essentielle d’arbre à thé, les antiseptiques ou les probiotiques. Les produits d’hygiène intime à base de polysaccharides ou d’acide lactique ont une efficacité probable mais limitée dans cette indication.→ En dehors des femmes ayant des facteurs de risque d’IST (< 25 ans, changement de partenaire…) ou pour lesquelles une chirurgie endo-utérine est programmée, une absence de diagnostic précis n’aura pas de conséquence pour la santé de la femme. De nombreux auteurs proposent donc chez celles ayant des symptômes évocateurs de traiter la vaginose bactérienne sans réaliser de prélèvement. On peut donc s’aider du pH vaginal (encadré 1) pour le diagnostic et du diagramme 1 pour une conduite à tenir pragmatique. Le traitement d’épreuve permet à la patiente une résolution plus rapide des symptômes (pas d’attente des résultats) et une économie de santé (le prélèvement coûte environ 38 euros de frais de biologie). Cette approche centrée sur la femme et ses symptômes est possible si celle-ci est informée de la nécessité d’une consultation complémentaire si le traitement n’était pas efficace.
Encadré 1- Le pH vaginal
• Très facile à réaliser, ce test ne demande ni préparation ou temps d’attente comme pour le sniff test, ni de microscope comme pour l’examen sur lame. Il existe dans le commerce des tests spécifiques au pH permettant de différencier une vaginose bactérienne d'une mycose.
• Certains de ces tests dits “d’infection vaginale” sont en vente libre. Pour le praticien n’ayant pas la logistique de stockage ou la fréquence de dépistage suffisante pour investir dans ces dispositifs, on peut trouver facilement du papier pH dans la bonne gamme (autour de 4,5) pour moins de 10 euros les 100 bandelettes. Il s’agit du papier servant à évaluer le pH du vin ou de la bière.
→ La vaginose bactérienne étant un phénomène lié au terrain plus qu’aux germes, les récidives sont donc fréquentes – entre 30 à 40 % à quatre semaines. Les mesures préventives peuvent être utiles, comme l’éviction des douches vaginales, l’utilisation du préservatif lors des rapports sexuels, l’arrêt du tabac ou la contraception œstroprogestative. La place des probiotiques en préventif est plus discutée, mais il est probable que certains lactobacilles (Rhamnosus, Crispatus) puissent être utiles. L’absence d’étude comparative de qualité ne permet pas de recommander une galénique particulière (comprimés, ovules…) ou même un mode de prise (orale, vaginale…).
→ Si la patiente présente plus de trois récidives par an, un traitement au long cours peut être proposé. Les récurrences sont probablement multifactorielles (11) : défaut d’adhésion au traitement, influence hormonale, présence d'un biofilm, facteurs comportementaux, notamment sexuels. Le traitement comprend par exemple des ovules de métronidazole 2 fois par semaine pendant 4 à 6 mois (diagramme 1).
À retenir
• La vaginose bactérienne est un déséquilibre de la flore de mieux en mieux compris.
• En présence d’un premier épisode de leucorrhée malodorante typique chez une femme sans facteur de risque d’IST, il est possible de proposer un traitement d’épreuve par tinidazole 2 g par jour pendant 3 jours sans examen complémentaire.
• Dans le cas contraire, un prélèvement vaginal avec score de Nugent permet d’affirmer le diagnostic.
• La recherche des facteurs comportementaux comme les douches vaginales permettra de limiter l’apparition des récidives, très fréquentes dans ce genre d’infection.
Bibliographie
1. Mendling W. Vaginal Microbiota. Adv Exp Med Biol. 2016;902:83–93.
2. Fredricks DN, Fiedler TL, Marrazzo JM. Molecular identification of bacteria associated with bacterial vaginosis. N Engl J Med. 2005 Nov 3;353(18):1899–911.
3. Koumans EH, Sternberg M, Bruce C, McQuillan G, Kendrick J, Sutton M, et al. The prevalence of bacterial vaginosis in the United States, 2001-2004; associations with symptoms, sexual behaviors, and reproductive health. Sex Transm Dis. 2007 Nov;34(11):864–9.
4. Phillips-Howard PA, Nyothach E, Ter Kuile FO, Omoto J, Wang D, Zeh C, et al. Menstrual cups and sanitary pads to reduce school attrition, and sexually transmitted and reproductive tract infections: a cluster randomised controlled feasibility study in rural Western Kenya. BMJ Open. 2016 Nov 23;6(11):e013229.
5. Klebanoff MA, Nansel TR, Brotman RM, Zhang J, Yu K-F, Schwebke JR, et al. Personal hygienic behaviors and bacterial vaginosis. Sex Transm Dis. 2010 Feb;37(2):94–9.
6. Swidsinski A, Loening-Baucke V, Mendling W, Dörffel Y, Schilling J, Halwani Z, et al. Infection through structured polymicrobial Gardnerella biofilms (StPM-GB). Histol Histopathol. 2014 May;29(5):567–87.
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8. Hainer BL, Gibson MV. Vaginitis. Am Fam Physician. 2011 Apr 1;83(7):807–15.
9. Tam MT, Yungbluth M, Myles T. Gram stain method shows better sensitivity than clinical criteria for detection of bacterial vaginosis in surveillance of pregnant, low-income women in a clinical setting. Infect Dis Obstet Gynecol. 1998;6(5):204–8.
10. Donders GGG. Definition and classification of abnormal vaginal flora. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. 2007 Jun;21(3):355–73.
11. Chavoustie SE, Eder SE, Koltun WD, Lemon TR, Mitchell C, Nyirjesy P, et al. Experts explore the state of bacterial vaginosis and the unmet needs facing women and providers. Int J Gynaecol Obstet Off Organ Int Fed Gynaecol Obstet. 2017 May;137(2):107–9.
12. Workowski K, Bolan G. Sexually Transmitted Diseases Treatment Guidelines, 2015. MMWR Recomm Rep. 2015;64(June 5, 2015):1–337.
13. Thulkar J, Kriplani A, Agarwal N. A comparative study of oral single dose of metronidazole, tinidazole, secnidazole and ornidazole in bacterial vaginosis. Indian J Pharmacol. 2012 Mar;44(2):243–5.
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