Seuils de consommation d’alcool à risque : analyse combinée sur les données individuelles de 599 912 consommateurs d’alcool dans 83 études prospectives
Risk thresholds for alcohol consumption: combined analysis of individual-participant data for 599 912 current drinkers in 83 prospective studies
Wood AM, Kaptoge S, Butterworth AS, et al.Lancet 2018;391:1513-23.
CONTEXTE
Les seuils de consommation d’alcool au-delà desquels elle est considérée comme à risque pour la santé varient considérablement selon les pays (1). Il est de 200 g (20 verres standards) par semaine pour les hommes et de 100 g pour les femmes aux États-Unis, alors que c’est le double en Italie ou en Espagne et la moitié au Royaume-Uni (1). L’OMS a fixé des seuils à 28 verres par semaine pour les hommes et 21 pour les femmes, alors qu’en France ils sont respectivement de 21 et 14 verres (2). Ces variations génèrent des ambiguïtés sur la corrélation entre ces seuils et la mortalité totale, ainsi que des incertitudes sur les conséquences spécifiquement cardiovasculaires de ces consommations seuils (3).
OBJECTIFS
Redéfinir les seuils de consommation d’alcool associés à une augmentation de la mortalité totale et à une augmentation ou réduction des évènements cardiovasculaires.
MÉTHODE
► L'analyse a combiné les données individuelles de trois bases internationales, regroupant 83 études prospectives conduites dans 19 pays développés, et pratiquant la même méthode de recueil de consommation déclarée d’alcool. Les sujets analysés étaient indemnes de pathologie cardiovasculaire à l’inclusion. Les auteurs ont constitué des catégories de consommateurs : < 100 g/semaine, > 100 g et ≤ 200 g, > 200 g et ≤ 300 g et ≥ 350 g. Les sujets non consommateurs ont été écartés. Le suivi devait durer plus d'un an.
► Les critères d’évaluation étaient la mortalité totale et les évènements cardiovasculaires. Les analyses statistiques ont été ajustées sur l'âge, le sexe, le tabagisme, la présence d'un diabète de type 2 et le pays. Les résultats ont ensuite été conformés aux variations potentielles à long terme de la consommation d’alcool (5 à 6 ans) extraites de 152 640 évaluations concernant 71 000 participants inclus dans 37 autres études. Les hazard ratio ont été calculés entre les différentes quantités de consommation, sans comparaison à l’absence totale de consommation.
RÉSULTATS
Sur les 786 787 adultes inclus dans les cohortes, 19 % ne consommaient jamais d’alcool, d'où l'inclusion de 599 912 sujets consommateurs dans l’analyse des risques. Un peu plus de 40 000 décès et 39 000 évènements cardiovasculaires ont été recensés pendant la période de suivi.
Le risque minimum de mortalité totale était associé à une consommation d’alcool ≤ 100 g/semaine, puis augmentait de 20 % pour 200 g et de 50 % pour 350 g. Le risque d’infarctus du myocarde (14 359 évènements) diminuait de 20 % pour une consommation ≤ 100 g/semaine puis restait stable et < 1 malgré l’augmentation de la consommation à 200 ou 300 g/semaine. En revanche, le risque d’AVC (12 000 évènements) augmentait de 14 % dès 100 g/semaine puis augmentait linéairement de 10 % à chaque 100 grammes supplémentaires. Il en était de même pour l’insuffisance cardiaque (2 700 évènements).
COMMENTAIRES
Cet énorme travail biostatistique repose sur une population consommatrice régulière d’alcool vivant dans des pays riches. Il démontre une association entre la consommation hebdomadaire d’alcool > 100 g et des évènements de santé, mais il ne s’agit pas là de liens de causalité. Les comparaisons concernaient uniquement les consommateurs selon la quantité d’alcool hebdomadaire absorbée et n’ont pas été faites versus les sujets abstinents complets. Comme toutes les études de cohorte (et encore plus quand elles sont poolées), l’absence d’ajustement sur la totalité des facteurs potentiellement confondants fragilise un peu les résultats.
D’après cette étude, une consommation d’alcool > 100 g/semaine augmente la mortalité totale. Elle réduit de 20 % le risque d’infarctus du myocarde, “bénéfice” compensé par une augmentation d’au moins 14 % du risque d’AVC pour chaque 100 grammes supplémentaires au-delà de 100 grammes. Comparativement aux sujets consommant ≤ de 100 g d’alcool, ceux qui consomment entre > 100 g et ≤ 200 g, entre > 200 g et ≤ 350 g et ≥ 350 g ont une survie réduite respectivement de 6 mois, 1-2 ans et 4-5 ans à l’âge de 40 ans.
Cette étude n’incite ni à boire modérément ni à s’abstenir. Elle fournit uniquement un marqueur de risque supplémentaire pour la pratique. Ses résultats réfutent la théorie française du vin rouge protecteur cultivée par le lobby vinicole.
Rappel
Quelle que soit la boisson alcoolisée, un verre contient à peu près 10 g d’alcool pur. Une unité d’alcool, c’est 10 cl de vin à 12°, 25 cl de bière à 5° ou 3 cl de whisky ou de cognac à 40°.
Bibliographie
1- Kalinowski A, Humphreys K. Governmental standard drink definitions and low-risk alcohol consumption guidelines in 37 countries.
2- Addiction 2016;111:1293-8. Haute autorité de santé. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1795221/fr/outil-d-aide-au-repe…
3-Leong DP, Smyth A, Teo KK, et al. Patterns of alcohol consumption and myocardial infarction risk: observations from 52 countries in the INTERHEART study. Circulation 2014;130:390-8.
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