Dermatologie

L’ÉRYTHÈME NOUEUX

Publié le 21/09/2018
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Cette hypodermite se caractérise cliniquement par des nodules érythémateux, localisés principalement au niveau des jambes. Elle peut être associée à de nombreuses pathologies : infectieuses, générales, néoplasiques ou iatrogéniques.
érythème

érythème

Nathalie, 71 ans, présente depuis une semaine des placards érythémateux et maculo-nodulaires sur la face antérieure de ses jambes (cliché 1). Ils sont très inflammatoires et leur palpation est douloureuse. Cette patiente, qui consulte rarement, vit dans des squats. Elle a perdu plus de 10 kg en un an, souffre d’asthénie, d’anorexie, d'une toux chronique et s'endort très difficilement. Les lésions cutanées sur les jambes sont celles d’un érythème noueux. Par ailleurs, l’altération de l’état général, la toux persistante et la précarité nous conduisent à prescrire un scanner pulmonaire qui objective de multiples formations nodulaires (cliché 2). Une analyse bactériologique des crachats a permis de poser le diagnostic de tuberculose. Nous sommes donc en présence d’un érythème noueux en rapport avec une tuberculose.

Caractéristiques cliniques

Cette affection est une dermohypodermite nodulaire aiguë qui touche principalement les cloisons interlobulaires du tissu graisseux sous-cutané. Elle touche le plus souvent les sujets entre 20 et 30 ans ; les femmes étant cinq fois plus concernées que les hommes. L’incidence de cette pathologie est évaluée à 2,4 cas pour 1 000 patients.

Trois phases sont classiquement décrites :

1. La phase pré-éruptive

Elle se traduit par une altération de l’état général (asthénie, perte de poids, myalgies, arthralgies), et souvent une infection des voies aériennes supérieures.

2. La phase éruptive

On retrouve des nodules enchâssés au niveau dermo-épidermique, circulaires, à bordures régulières, dont la couleur varie du rose au violet. Au toucher, ces entités sont fermes, chaudes, et sensibles lors de leur mobilisation (surtout en orthostatisme). La répartition est souvent symétrique, et il existe toujours des intervalles de peau saine entre les lésions.

On rencontre ces éléments le plus souvent sur la face antérieure des jambes (crêtes tibiales). Cependant, on peut rencontrer ces nodosités au niveau des coudes, des crêtes cubitales, des genoux, des bras et du tronc. Le plus souvent, cette éruption associe des éléments d’âges différents. En parallèle, des signes généraux (arthralgies, hyperthermie) sont parfois associés.

3. La phase involutive

En quelques semaines (le plus souvent entre trois et six), les lésions disparaissent.
Cependant, les lésions changent progressivement de couleur (couleur de la biligénie) avant de s’estomper.

La guérison s’effectue en laissant parfois des zones hyperpigmentées et très légèrement atrophiques. Dans de rares cas, l’érythème noueux peut persister plusieurs années.

Étiologie

Il semblerait que la symptomatologie cutanée soit la résultante d’une réaction d’hypersensibilité secondaire à des antigènes observés dans certaines affections (voir tableau 1).

Dans près de 20 % des cas, aucune étiologie n'est retrouvée ; on parle alors d’érythème noueux idiopathique.

Éléments du diagnostic

La biopsie a peu d’intérêt, le diagnostic étant essentiellement clinique. Si elle est effectuée, elle permet d’objectiver un infiltrat entre le derme et le tissu adipeux sous-cutané, souvent constitué de rosettes de Miescher (structures arrondies de polynucléaires neutrophiles au niveau des septas). Un infiltrat histiocytaire lipophagique avec des cellules géantes peut apparaître à un stade tardif.

La radiographie pulmonaire est utile dans la recherche de l’étiologie responsable de ce tableau clinique. Ainsi, il est possible d’objectiver des adénopathies hilaires (souvent en rapport avec une sarcoïdose) ou des cavernes tuberculeuses.

Le bilan biologique doit comporter une NFS, CRP, un bilan hépatique, un sérodiagnostic streptococcique, un test tuberculinique et, en fonction de la clinique, une coproculture.

Traitement

Il repose avant tout sur l’étiologie identifiée comme responsable de cette dermatose. Cependant, il est également important de recommander le repos (le décubitus est préconisé), le port d’une contention et l’administration d’AINS (en l’absence de toute infection cutanée) pour réduire la douleur.

 

T1. Les principales étiologies

Pathologies infectieuses
1- Bactériennes : streptocoques, tuberculose, yersiniose, mycoplasme, psittacose, brucellose, salmonellose, maladie des griffes du chat, shigellose, lèpre, tularémie, leptospirose, chlamydiae
2- Virales : hépatites B, VIH, EBV, CMV, Orf, HSV
3- Mycoses : histoplasmose, coccidioïdomycose, sporotrichose, blastomycose
4- Parasitaires : helminthiases, paludisme, toxoplasmose, amibiase Pathologies iatrogènes
Sulfamides, bêta-lactamines, œstro-progestatifs, sels d’or, AINS, salicylés, minocyclines, iodures, rétinoïdes, radiothérapie
Pathologies néoplasiques
Lymphomes, leucémies, cancer du sein
Autres pathologies
Sarcoïdose, MICI, maladie de Behçet, lupus

Bibliographie

1- Habif T. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. France. Ed. Elsevier 2008.

2- Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed Elsevier-Masson 2017.

3- Fitzpatrick TB. Atlas en couleurs de Dermatologie clinique. Ed. Flammarion Médecine-Sciences 2007.

4- Bolognia JL. Dermatologie : l’essentiel. Ed. Elsevier Masson 2018. 

 

Dr Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Camila Quiterio de Carvalho (interne en médecine générale. Programme Hippokrates. Sao Paulo. Brésil), Nicolas Perolat (interne en médecine générale, Bondy), Anaïs Balloy (externe, Toulouse).

Source : Le Généraliste: 2844