Dermatologie

L’ÉRYTHÈME PIGMENTÉ FIXE

Publié le 05/12/2022
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L’érythème pigmenté fixe est une réaction d’hypersensibilité, d’origine médicamenteuse le plus souvent. Le diagnostic repose sur la clinique et l’interrogatoire, et le traitement sur l’éviction du traitement responsable.

Crédit photo : Dr Frances

Nous connaissons bien Alice, patiente obèse (IMC à 42) avec de nombreux antécédents : schizophrénie, diabète de type 2, BPCO sévère, coronaropathie.

Le week-end précédent, elle a consulté le médecin de garde du fait d’une décompensation de sa BPCO. Notre confrère lui a prescrit de la ceftriaxone en raison d’une possible surinfection bronchique, la patiente refusant tout traitement antibiotique par voie orale.

Deux jours après le début de son traitement, Alice nous consulte en raison de l’apparition de placards de couleur brun-gris au niveau des bras et du dos.

Elle explique qu’ils sont apparus brutalement et incrimine le traitement par voie injectable. Elle se rappelle avoir eu une réaction cutanée similaire 4 ans auparavant suite à une antibiothérapie administrée par voie intramusculaire.

Compte tenu des lésions observées, mais aussi du contexte dans lequel elles sont apparues, nous avons posé le diagnostic d’érythème pigmenté fixe.

INTRODUCTION

L’incidence de l’érythème pigmenté fixe n’a pas été établie de manière formelle.

En Asie, cette dermatose représenterait entre 11 et 30 % des toxidermies, et en Afrique 70 %. En France, sur 20 ans, 307 cas ont été signalés en milieu hospitalier, mais ces chiffres masquent le fait que tous les cas observés ne sont pas nécessairement hospitalisés ou pas obligatoirement référencés.

L’érythème pigmenté fixe est un modèle de réaction d’hypersensibilité retardée liée aux lymphocytes T CD8. À l’origine de cette réaction d’hypersensibilité, nous retrouvons dans la très grande majorité des cas un médicament (antalgique, antibiotique, antiépileptique, anti-inflammatoire, antipaludéen). Cependant, dans certains cas rares, il peut s’agir également d’un allergène alimentaire.

SYMPTOMATOLOGIE

Le délai d’apparition des manifestations cutanées varie entre 48 heures (c’est le délai le plus fréquent) et dans certains cas deux semaines.

Les lésions sont observées sur n’importe quelle partie du corps (plus fréquentes sur la face et le tronc), parfois sur les muqueuses (10 % des cas).

Sur un plan clinique, on peut observer une ou plusieurs lésions. Le plus souvent, il s’agit de placards érythémateux ovalaires limités.

Ces lésions peuvent avoir un diamètre de quelques centimètres, et changent progressivement de couleur, devenant violettes ou brun-gris. On peut objectiver également des bulles qui s’érodent peu à peu en donnant une desquamation, puis l’apparition de croûtes. Le patient ressent parfois, avant l’apparition des manifestations cutanées ou durant leur présence, une sensation de brûlure et un prurit.

Les lésions cutanées peuvent survenir plus rapidement en cas de réintroduction du médicament (dans les huit heures), mais on peut parfois objectiver une période réfractaire de quelques mois.

DIAGNOSTIC

Le plus souvent, le diagnostic est posé suite à l’interrogatoire du patient qui explique une récurrence des lésions suite à la deuxième prise du médicament inducteur.

En cas de doute, il est possible d’effectuer un prélèvement de la lésion avec une analyse histologique qui objective des nécroses kératinocytaires, une bulle sous-épidermique, un œdème dermique et un infiltrat de cellulaires mononucléées et périvasculaires.

PRISE EN CHARGE

Il est impératif, dans un premier temps, de ne plus administrer le traitement incriminé.

Il est parfois difficile de déterminer l’agent responsable (notamment lors d’une prise concomitante d’AINS et d’antibiotique). Dans ce cas, il est préférable de réaliser des tests allergologiques.

On peut avoir recours à des dermocorticoïdes de forte puissance si les lésions deviennent érosives, ce qui permet de limiter l’inflammation cutanée, et à un antihistaminique contre le prurit.

Il est important de prévenir le patient qu’une pigmentation séquellaire peut apparaître, pigmentation qui est secondaire à une incontinence pigmentaire due aux dendrocytophages.

Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Tara Chalaye (interne en médecine générale à Montpellier), Elsa Masse et Carrie Artero (externes à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Valeyrie-Allanore L, Lebrun-Vignes B, Bensaid B, et al. Érythème pigmenté fixe : épidémiologie, physiopathologie, clinique, diagnostic différentiel et modalités de prise en charge. Annales de dermatologie et de vénéréologie 2015 ; 142 : 701-706.
2. Fayt G, Lejeune C, Arco D, Higuet S. Apparition soudaine de lésions cutanées : à propos d’un cas d’érythème pigmenté fixe. Revue médicale de Bruxelles 2017 ; 38 : 439-441.
3. Habif TB. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. Ed. Elsevier Masson 2012.


Source : lequotidiendumedecin.fr