En l’absence d’arguments en faveur d’une céphalée secondaire, on s’orientera vers une céphalée primaire dont les principales sont la migraine, les céphalées de tension, l’algie vasculaire de la face, les céphalées chroniques quotidiennes. Le diagnostic différentiel entre ces différentes pathologies repose sur un interrogatoire détaillé pour avoir une description fine des maux de tête (voir encadré E1).
La migraine
La céphalée de la migraine est intense, souvent évaluée à 7/10 sur l’échelle de la douleur mais il peut y avoir des crises modérées peu intenses, la douleur est souvent pulsatile, gênant parfois les activités, aggravée par l’effort et conduisant le patient à s’allonger.
Dans un certain nombre de cas, elle est accompagnée de nausées et/ou de vomissements, d’une phonophobie et d’une photophobie. La céphalée est le plus fréquemment unilatérale (sauf chez les enfants et adolescents).
Une aura, à rechercher systématiquement car pas toujours spontanément signalée, n’est pas rare et précède la céphalée. Elle peut être visuelle (scotome scintillant, phosphènes, taches colorées, images déformées), sensitive (paresthésies, fourmillements débutant souvent à la main ou au pied, parfois touchant le visage), auditives (sifflements, bourdonnements, hallucinations auditives), motrice (sensation d'engourdissement, de faiblesse musculaire). Les migraines sans aura sont les plus fréquentes, 80 à 85 % des cas.
La migraine débute avant 40 ans dans plus de 90 % des cas. La notion d’antécédents familiaux renforce le diagnostic.
› La migraine est caractérisée par la survenue de crises douloureuses unilatérales récurrentes :
– invalidantes;
– durant de 10 minutes à plusieurs heures, une durée de plus de 24 h concerne 39 % des patients;
– entre lesquelles le patient est parfaitement bien.
Quand la migraine est typique – céphalées évoluant par crises stéréotypées – aucun examen complémentaire n’est justifié.
›Traiter les épisodes migraineux
- Expliquer au patient ce que l’on sait sur la migraine:
« La migraine est une maladie neurovasculaire sous-tendue par une susceptibilité génétique. Chaque crise est due à l’activation du système trigémino-vasculaire. » Ce système correspond à l’innervation extrinsèque de la vascularisation cérébrale et de la dure-mère qui est supportée par la branche ophtalmique du nerf trijumeau et les premières racines cervicales. L’activation de ce système va induire une vasodilatation et une extravasion des protéines plasmatiques constituant une authentique « inflammation stérile » d’origine neurogène.
- Prescrire en première intention et sur la même ordonnance un AINS (sauf s’il existe une contre-indication ou une mauvaise tolérance) et un triptan.
– Le patient commence par prendre l’AINS, le triptan sera pris en traitement de secours deux heures après si l’AINS n’a pas calmé la crise. Cette stratégie doit être idéalement évaluée sur 3 crises (3). Les AINS validés dans la crise migraineuse sont le diclofénac, le kétoprofène, le naproxène et l’ibuprofène, ils agissent de façon non spécifique en limitant l’intensité de l’« inflammation stérile ». Leur efficacité est bonne, moins que celle des triptans mais avec un coût bien moindre.
– Si l’AINS est efficace sur au moins deux des trois crises traitées, cette stratégie sera poursuivie. Dans le cas contraire, les triptans doivent être utilisés d’emblée pour les crises ultérieures. Le triptan peut être prescrit en première intention si l’impact fonctionnel de la crise migraineuse est important ou en cas de crise récurrente, c'est-à-dire en cas de réapparition de crises entre 2 et 24 heures après son soulagement initial. Dans certains cas, il est même possible d’associer d’emblée triptan + AINS. Certains triptans ont un effet « rapide » : zolmitran (Zomig®), élétriptan (Relpax®), rizatriptan (Maxalt®) almotriptan (Almogran®), sumatriptan (Imigrane®), d’autres ont un délai d’action plus long : naratriptan (Naramig®) et frovatriptan (Tigréat®, Isimig®). Ces derniers seront préférés en cas de crises lentement progressives, les premiers pour les crises d’installation plus rapide.
› Un traitement de fond est prescrit si les crises sont fréquentes (au moins 3 à 4 par mois) et/ou s’il existe un handicap socioprofessionnel important. Presque 40 % des migraineux relèvent d’un traitement de fond (5). L’objectif c’est la réduction de la fréquence des crises, ce qu’il faut bien expliquer au patient qui espère, lui, une disparition. Le traitement est considéré comme efficace s’il réduit de 50 % le nombre des crises. En général, les traitements de fond apportent d’autres bénéfices (baisse de l’intensité des crises, meilleure réponse aux traitements des crises, moindre sensibilité aux facteurs déclenchants) et sont le meilleur moyen de prévenir les céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux. Le délai d’action du traitement de fond étant d’un à deux mois, il est réévalué 2 mois après la première dose thérapeutique puis, lorsqu’il est efficace, maintenu pendant au moins 9 à 12 mois.
La céphalée de tension épisodique
Ce sont les maux de tête les plus fréquemment observés en population générale. Une céphalée ressentie comme un casque douloureux, avec une douleur diffuse, sourde, continue, correspond généralement à une céphalée de tension (CT). L’intensité de la céphalée est habituellement faible ou modérée mais la durée des douleurs peut être importante, jusqu'à 7 jours, les CT surviennent de préférence en fin de journée, ne sont pas pulsatiles, ni aggravées par l’effort et peuvent parfois être accompagnées d’une photophobie et d’une phonophobie mais pas de l’association de ces deux symptômes. Aucun signe neurologique accompagnateur ni symptôme végétatif n’est retrouvé et leur impact sur l’activité de la personne est absent ou modéré.
› Il est utile d’examiner la tête, la palpation manuelle permet souvent de retrouver une tension palpable des muscles de la nuque et des extrémités céphaliques.
Ces céphalées épisodiques, ressenties par presque tout le monde au moins une fois dans sa vie ont une prévalence dans la population générale allant entre 60 et 80 %. Le plus souvent, elles ne motivent pas une consultation et ne nécessitent aucune attention de la profession médicale.
› Vraies crises de migraine et céphalées de tension peuvent être intriquées. La description attentive des crises permet de les différencier. Il faut se focaliser sur la crise la plus sévère pour ne pas passer à coté d’une maladie migraineuse. C’est seul l’interrogatoire et le carnet de suivi qui permettent de bien faire la part de chacune, c'est important puisque le traitement diffère totalement. La migraine requiert systématiquement une prise médicamenteuse, alors que celle-ci est peu efficace pour la céphalée de tension souvent apaisée par des paroles rassurantes, une prise alimentaire, le repos.
Les céphalées chroniques quotidiennes
Une céphalée présente plus de 15 jours par mois, évoluant depuis plus de 3 mois, ayant une durée quotidienne supérieure à 4 heures sans traitement doit être considérée comme une céphalée chronique quotidienne (CCQ).
La CCQ doit être appréhendée comme une maladie grave car elle provoque une diminution de la qualité de vie et un handicap notable. Près de 1,5 million de Français en souffrent soit 3 % de la population de plus de 15 ans. Le retentissement fonctionnel est très fréquemment associé à un retentissement émotionnel, qui est d’autant plus important que le patient a en plus un abus médicamenteux.
› Les CCQ sont le plus souvent primaires, avec quatre entités: la migraine chronique, la céphalée de tension chronique, l’hemicrania continua et la CCQ de novo (1). Nous ne traiterons pas de l’hemicrania continua, pathologie peu fréquente ni des CCQ de novo, mais des deux plus habituelles :
- la migraine chronique est une céphalée chronique quotidienne primaire, qui se définit par la survenue depuis plus de 3 mois d’une céphalée plus de 15 jours par mois avec au moins 8 jours de migraines. Elle peut être d’emblée diagnostiquée chez un migraineux ne présentant pas d’abus médicamenteux, ce qui est rare ;
- la céphalée de tension chronique qui correspond à l’existence plus de 15 jours par mois de céphalées tensives depuis au moins trois mois. Différents facteurs peuvent favoriser ou aggraver les céphalées de tension épisodiques et concourir à leur chronicisation, tels que l’anxiété, une perception et/ou une gestion du stress anormale. En cas de céphalées de tension chroniques, il faut également chercher une surconsommation médicamenteuse.
› Le principal facteur de risque de développer une céphalée chronique quotidienne est l’abus médicamenteux. Cet abus repose sur le nombre mensuel de jours avec au moins une prise d’antalgique et/ou d’antimigraineux de crise, évalué sur une période de 3 mois. Le patient doit noter ses prises sur un agenda pour confirmer cet abus.
– L'abus est défini par une prise régulière et fréquente d'au moins 15 jours par mois pour une prise d’antalgiques non opioïdes, paracétamol, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, et d'au moins
10 jours par mois pour une prise d’antalgiques opioïdes contenant de la caféine, de la codéine, de la poudre d'opium ou du tramadol, il peut s’agir aussi de dérivés de l’ergot de seigle, de triptans ou d’antalgiques associant plusieurs principes actifs ou en cas d’utilisation combinée de plusieurs médicaments par le patient (6).
– D’autres facteurs de risque doivent être recherchés tels que l’anxiété généralisée pouvant entrainer une prise anticipatoire de médicaments, des épisodes dépressifs avérés, des événements biographiques stressants, des troubles ventilatoires du sommeil tels que le ronflement, ainsi qu’un excès pondéral.
– Aucun examen complémentaire n’est justifié, ils sont couteux et inutiles. Une céphalée chronique continue sera presque toujours primaire (céphalée chronique quotidienne), il ne s’agit jamais de sinusite, de cervicalgies ou d’un trouble oculaire.
› La prise en charge, globale, repose sur le sevrage des antalgiques qui pérennisent les céphalées en développant une accoutumance, toujours en association à un encouragement bienveillant.
On peut associer un traitement de fond pharmacologique (le plus souvent un antidépresseur à faibles posologies dans une finalité antalgique comme le Laroxyl®), à un traitement non pharmacologique permettant une meilleure gestion du stress (relaxation, sophrologie, hypnose, thérapies cognitivo-comportementales). Il peut etre réalisé en ambulatoire, sans antalgiques, mais avec un traitement par du Laroxyl® (à titre indicatif : 1 goutte matin, midi et 5 le soir pendant 3 jours, puis 2 gouttes matin, midi et 7 le soir pendant 3 jours, puis 3 gouttes matin midi et 9 soir pendant 3 jours, etc… jusqu’à environ 30 gouttes par jour si nécessaire) et en cas de forte crise, un triptan (max 2 prises de triptan par semaine). Le sevrage peut aussi être réalisé en milieu hospitalier si le sevrage n’est pas possible à la maison (abus multiples et sévères ; abus associé de psychotrope ; comorbidité psychiatrique sévère ; environnement familial défavorable.) avec des perfusions de Laroxyl® sur plusieurs jours.
L’algie vasculaire de la face
Les crises sont très stéréotypées : douleur insupportable non pulsatile – d’installation rapide – avec des sensations de pression, brûlure, broiement évoluant par crises quotidiennes (en moyenne une à trois par jour) durant de 15 minutes à 2 heures. La topographie est unilatérale : orbitaire et périorbitaire, temporale. Le patient est agité, tourne en rond. La présence d’un ou plusieurs signes végétatifs locaux homolatéraux à la douleur est habituellement associée : larmoiement (environ 83 % des cas), injection conjonctivale, obstruction nasale ou rhinorrhée, œdème de la joue, sudation de la face, rougeur.
› Dans plus de 70 % des cas, le diagnostic est erroné lors de la première consultation, et presque toujours porté avec retard (7).
› L’évolution de l’algie vasculaire de la face se fait selon une double périodicité, circadienne (les crises sont souvent à heure fixe) et circannuelle (les patients ont leurs crises à la même période de l’année 1 à 2 fois/ an aux changements de saison (début de l’automne ; début du printemps). Les crises s’étalent sur 3 à 8 semaines puis disparaissent. Ces formes épisodiques sont les plus fréquentes (80 à 90 %).
› L’examen neurologique est normal sauf parfois un signe de Claude-Bernard Horner. Il n’y a pas d’indication d’examen paraclinique pour les algies vasculaire de la face sauf en cas d’atypicité séméiologique ou de mauvaise réponse au traitement.
L’algie vasculaire de la face appartient au groupe des céphalées trigéminovasculaires. C’est une pathologie de l’homme jeune, de survenue plus tardive chez la femme, et très habituellement associée à un tabagisme (plus de 20 cigarettes/jour). Sa prévalence en population générale est faible de l’ordre de 0,07 % avec une nette prépondérance masculine, bien que soit récemment apparue une augmentation des formes féminines (8).
Le traitement est double, traitement de la crise, le plus rapide possible, et traitement prophylactique pour limiter la fréquence des accès douloureux.
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