Un patient, en rejet chronique après une première greffe totale de visage réalisée en 2010, a été transplanté une deuxième fois les 15 et 16 janvier 2018 par l'équipe du Pr Laurent Lantieri à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP).
C'est la première fois qu'un patient est greffé du visage une deuxième fois. « C'est un grand pas scientifique et médical, explique le Pr Lantieri. À la question, est-il possible de greffer une deuxième fois, on peut répondre que oui. C'est une information importante à donner aux futurs greffés du visage. Si la greffe n'est pas fonctionnelle au début ou ne l'est plus à terme, on pourra éventuellement le faire. »
Trois mois de délai depuis l'inscription sur liste d'attente
Cette intervention inédite a été révélée dans le nouvel hebdomadaire « ebdo » du 19 janvier. L'Agence de la biomédecine et l'AP-HP ont réagi dans un communiqué de presse en déplorant que « le principe de l'anonymat n'ait pas été respecté (...). L'application stricte de ce principe est indispensable au respect du donneur et de sa famille, dont le deuil est protégé ». Le Pr Lantieri a déclaré : « Cette famille était encore sous le choc de la perte de leur fils dans des conditions difficiles. Le lieu de prélèvement n'aurait pas dû être révélé. »
Le receveur, en rejet chronique, avait été mis sur liste d'attente le 27 octobre 2017. Le 30 novembre 2017, « la gravité du rejet avait nécessité une exérèse complète de la face et le patient était depuis hospitalisé en réanimation », indiquent l'AP-HP et l'Agence de la biomédecine. Cette intervention complexe a démarré le lundi 15 janvier en début d'après-midi et s'est terminée le mardi 16 janvier en début de matinée.
À 7 jours, bilan positif
Le Pr Lantieri tient à saluer la réactivité des différentes agences, « l'Agence de la biomédecine, l'ANSM, l'ARS et le ministère de la Santé qui ont été très réceptives pour définir le cadre juridique avec les moyens nécessaires ». Un délai de 3 mois entre la mise sur liste d'attente et la greffe est « relativement court », se satisfait le Pr Lantieri.
À 7 jours de la greffe, le patient « va aussi bien que possible », indique le Pr Lantieri. Comme d'autres regreffes, par exemple le rein ou le foie, outre la plus grande difficulté à réintervenir sur le plan chirurgical, il existe des contraintes immunologiques sévères et seul le suivi à plusieurs semaines confirmera la viabilité du greffon. « La possibilité de rejet, qui existe pour toutes les greffes, est a priori plus importante » pour celles du visage et des mains, a indiqué le Pr Olivier Bastien de l'Agence de la biomédecine. « Ces structures de la peau attirent beaucoup les lymphocytes », a-t-il expliqué.
Surveillance très étroite en hospitalisation au moins 4-5 semaines
« Il existe plusieurs phases, détaille le chirurgien plasticien. La première est chirurgicale, – il existe un risque de complications, par exemple caillots, thromboses, abcès, hématome – et aussi immunologique, – un rejet immédiat hyperaigu est possible chez un patient immunisé. Suit la phase à risque de rejet aigu pendant 3 à 4 semaines, qui peut comporter un rejet médié par l'immunité cellulaire à traiter par voie médicamenteuse et surtout de rejet médié par l'immunité humorale. »
Ce type de rejet médié par les anticorps se voit chez les patients ayant déjà eu une greffe. « Le traitement repose sur les médicaments et les plasmaphérèses, explique Laurent Lantieri. Pour ce patient, on a pu commencer un cycle de désensibilisation à visée prophylactique avant l'intervention. » Le risque d'épisodes de rejet aigu est à surveiller les premiers mois puis diminue ensuite. À terme, le risque est le rejet chronique.
« Aujourd'hui, on est à 11 ans pour la survie la plus longue », indique le Pr Lantieri. Depuis la première greffe de visage en 2005 par l'équipe du Pr Bernard Devauchelle au CHU d'Amiens, moins de quarante greffes ont été réalisées dans le monde.
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