IL Y A LES POUR et il y a les contre. L’accord intervenu le 23 octobre sur l’encadrement des dépassements d’honoraires a permis de clore les négociations conventionnelles… mais pas les débats. Depuis deux semaines, les signataires de l’avenant 8 tentent de défendre un accord « majeur » (Assurance-maladie), « historique » (dixit la CSMF et la ministre de la Santé Marisol Touraine), ou « porteur d’espoirs pour les patients » (selon MG France). « Le texte négocié âprement pendant de longues heures, contient de nombreuses avancées mais a surtout permis de préserver l’essentiel : le secteur II, tout en obtenant 400 millions de revalorisations sur trois ans pour le secteur I », explique le SML sur son site. MG France salue avec la Mutualité française un texte qui « favorise les tarifs opposables » et privilégie un « parcours de soins remboursé ».
A plusieurs égards, l’accord du 23 octobre marque un tournant. Pour la première fois depuis la création du secteur II en 1980, il fixe un « repère » permettant de qualifier les dépassements excessifs (2,5 fois le tarif opposable). Il promet de réguler les compléments d’honoraires abusifs grâce à un dispositif de sanction progressif. L’avenant 8 améliore l’accès aux soins et la prise en charge des patients les plus modestes - soit 4,7 millions de personnes éligibles à l’aide à la complémentaire santé -, et propose un nouveau secteur d’exercice aux praticiens de secteur II avec le contrat d’accès aux soins. Enfin, il diversifie la rémunération des médecins de secteur I en introduisant à compter du 1er juillet 2013 un forfait spécifique "médecin traitant" de 5 euros pour tous les patients hors ALD mais aussi une rémunération de 5 euros par consultation des personnes âgées de plus de 85 ans (cet âge ramené à 80 ans un an plus tard).
Mais le succès de cet accord sera tributaire de la bonne volonté des différents acteurs. Le directeur de la CNAM, Frédéric van Roekeghem, en a convenu lors de sa signature officielle : « Il s’agit d’un accord important. Ses résultats dépendront de la manière dont il sera mis en œuvre ». La CSMF a mis en ligne sur son site un document qui décortique l’avenant 8. « Des réunions seront organisées par le syndicat en local pour expliquer l’accord, déclare le président de la Confédération, le Dr Michel Chassang. On peut imaginer que la Caisse va participer à ce travail de pédagogie ».
Une opposition grandissante.
De la pédagogie, il en faudra. Car l’accord n’a pas convaincu l’ensemble de la profession. Loin s’en faut. Parmi les syndicats représentatifs, tout d’abord, la FMF et le BLOC ont refusé de parapher l’avenant 8 après avoir pourtant signé le relevé de conclusion, le 23 octobre. Les syndicats de chirurgiens (UCDF) et d’anesthésistes (AAL) sont particulièrement remontés contre l’encadrement des dépassements d’honoraires. Ils ont lancé un mouvement de fermeture des blocs opératoires à partir du 12 novembre soutenu par les chirurgiens de la main et les chirurgiens urologues. Un arrêt d’activité que les gynécologues obstétriciens (SYNGOF), pourtant composante du BLOC, ont jugé stratégiquement « inopportun ». Le SYNGOF regrette que le BLOC n’ait pas signé l’accord de façon à pouvoir siéger dans les commissions mixtes paritaires qui établiront les règles pratiques des sanctions contre les dépassements exceptionnels.
L’accord a également cristallisé le mécontentement de la coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, du manifeste des médecins solidaires et du SMG « car les modalités prévues pour sanctionner les dépasseurs abusifs sont aussi floues et compliquées que les actuelles ». Même la fédération nationale des centres de santé fustige un accord qui selon elle « vide de sa substance le secteur I ». La jeune génération est également très remontée. Les internes (ISNIH) et les chefs de clinique (ISNCCA) dénoncent les « termes mitigés » de l’avenant 8 et demandent que les structures jeunes puissent être associées pleinement à la signature de la convention médicale. L’ISNIH déplore qu’aucune mesure claire n’ait été prise par les pouvoirs publics depuis l’étude sur les gardes et astreintes publiée en septembre selon laquelle le repos de sécurité n’est pas respecté pour un interne sur cinq. Les jeunes médecins généralistes (SNJMG) ont également déposé un préavis de grève pour le 12 novembre afin de dénoncer les « dysfonctionnements » de certains départements universitaires de médecine générale et certaines « situations d’abus de pouvoirs humiliantes ».
La toile s’enflamme.
Le mouvement de grogne du corps médical a pris de l’ampleur ces dernières semaines sur le web et les réseaux sociaux. Né sur Facebook, le groupe des médecins pigeons s’est fédéré au sein de l’Union française des médecins libres (UFML), une coordination qui revendique l’adhésion des généralistes, spécialistes, internes et étudiants en médecine. Et la blogosphère se déchaîne. Au point que le Dr Michel Cymes, présentateur du Magazine de la Santé sur France 5, s’est départi de sa réserve dans un tweet : « Jamais vu un ministre de la santé se mettre TOUS les médecins à dos en si peu de temps ! A ce point-là, c’est historique ». Marisol Touraine a répliqué quelques heures plus tard sur le même réseau social : « Jamais vu, auparavant, une ministre obtenir un accord sur les DH (dépassements d’honoraires) signé par la majorité des médecins, complémentaires et l’AM (Assurance Maladie)... »
La colère du monde médical semble chaque jour grandir un peu plus. Il sera possible d’en mesurer l’ampleur le 12 novembre, à l’aune des diverses grèves et manifestations programmées.
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