LE QUOTIDIEN : En quoi ce projet de réforme représente-t-il un danger ?
Dr MICHEL CHASSANG : Le gouvernement veut redonner du pouvoir d’achat aux Français en mettant fin au monopole de professions réglementées. Il nous accuse d’être des rentiers et d’avoir "capté" indûment du pouvoir d’achat aux Français à hauteur de 6 milliards d’euros ! Ces mots résonnent comme des insultes que nous ne méritons pas. La perte du pouvoir d’achat résulte de la crise économique, du chômage et des ponctions fiscales exorbitantes mises en place par le gouvernement. Accuser de rentiers des professionnels libéraux qui investissent dans leur entreprise sur leurs deniers personnels et qui travaillent davantage que la moyenne, plus de 58 heures par semaine, est inacceptable.
En préparation de la réforme, le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) ciblait plusieurs professions de santé : pharmaciens, biologistes...
Les pharmaciens sont particulièrement visés avec la remise en cause du monopole officinal. Le gouvernement envisage la vente en grande surface des traitements et prescriptions facultatives, la constitution de réseaux d’officines, la possibilité pour un grossiste de devenir une pharmacie, la création de pharmacies sur Internet et l’ouverture du capital aux non-pharmaciens.
La réforme de la biologie de 2013 serait oubliée et 1,4 milliard d’euros d’économies par an seraient demandées aux biologistes (encadré). Les prothésistes pourraient être autorisés à vendre directement au public des prothèses dentaires en lieu et place des chirurgiens dentistes. Quant à la prescription de lunettes, elle pourrait être réalisée par des opticiens.
Une mesure dangereuse concerne tous les professionnels en société d’exercice libéral (SEL) : l’ouverture du capital social avec droit de vote aux non-professionnels de la société. Cela signifie que n’importe quel fonds de pension pourra investir dans un cabinet en SEL. Or, les SEL représentent 20 % des cabinets de médecins, ce n’est pas rien !
Les médecins doivent-ils s’inquiéter d’une remise en cause de leurs tarifs ou de leur liberté d’installation ?
À ce stade, non. Bercy n’a pas remis pas en cause les tarifs des médecins. Les professions de santé sont régies par des conventions nationales qui fixent des prix administrés, d’ailleurs souvent insuffisants. Vouloir déréguler ces professions et leur imposer une concurrence supposerait qu’on libéralise les prix. Or, cela va à l’encontre de la volonté des pouvoirs publics de rendre les tarifs lisibles et de limiter les dépassements d’honoraires.
La liberté d’installation des médecins n’est pas non plus visée. En revanche, la réforme risque de casser la démographie de certaines professions de santé en proposant notamment de supprimer le numerus clausus des pharmaciens et des dentistes. Il n’y a aucune raison de toucher aux règles d’installation en vigueur !
Arnaud Montebourg a été remplacé au ministère de l’Économie par Emmanuel Macron, plus libéral. Cela change-t-il la donne ?
Nous avons eu confirmation au plus haut niveau de l’État que ce plan serait bien mis en œuvre. Le projet de loi doit être présenté en conseil des ministres et examiné en octobre. Emmanuel Macron était le rapporteur de la commission Attali qui voulait libéraliser et mettre fin aux situations de monopole. Ce n’est pas parce qu’on a changé de visage qu’on va changer de politique. D’autant que la voie des ordonnances serait privilégiée...
La mobilisation de l’UNAPL sera-t-elle unitaire ou catégorielle ?
Les deux. Des mouvements de colère sont déjà initiés par certaines professions. Les huissiers se mobiliseront le 15 septembre et devraient bloquer les tribunaux. Les notaires – c’est historique – vont descendre dans la rue le 17 septembre. L’UNAPL lancera des actions nationales d’envergure dont nous préciserons la teneur aujourd’hui. Nous représentons plus d’un million de personnes et pouvons bloquer le pays.
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