La crise sanitaire n'est pas terminée mais un certain nombre de leçons ont déjà été tirées par les acteurs du monde hospitalier réuni mi-novembre à Santexpo, le salon hospitalier organisé par la Fédération hospitalière de France (FHF).
« Nous sommes arrivés au bout d'un système », a admis Yann Bubien, directeur général du CHU de Bordeaux. Alors que la crise sanitaire a révélé au grand jour les difficultés de l'hôpital – confronté à une vague de départs de personnels paramédicaux – l'ancien directeur de cabinet d'Agnès Buzyn appelle à une « réflexion et des idées nouvelles » pour demain. Celles-ci doivent porter sur le nombre de personnels et de lits, mais aussi sur l'organisation territoriale et le décloisonnement avec la ville. « En termes de ressources humaines, nous avons besoin d'attirer et de revoir notre manière de penser le travail, je pense notamment au travail de nuit, à la permanence des soins ou à la rémunération », indique le DG du CHU bordelais.
Silo de spécialités
Il invite également à se pencher sur le problème de la démographie médicale en ville, en particulier pour les spécialités de recours. Celle-ci a un impact sur la fréquentation des urgences hospitalières, illustré en ce moment avec l'épidémie de bronchiolite et la fréquentation accrue des urgences pédiatriques, faute de pédiatres.
Davantage de lien avec la ville et au sein de l'hôpital, c'est également la recette prônée par le Dr Jean-Marie Woehl, président de la commission médicale d'établissement (CME) des hôpitaux civils de Colmar (Haut-Rhin). « Nous avons développé des silos de spécialité et de surspécialités au sein même de l'hôpital et tout ce petit monde n'arrivait pas à communiquer, souligne le Dr Woehl. Or pendant 18 mois de crise, cela a fonctionné au sein de l'hôpital, mais aussi avec la ville à travers les groupes WhatsApp ». Pour le spécialiste en médecine interne, impossible « d'imaginer l'avenir seul ». « On ne fera pas l'économie de se retrouver tous autour d'une table pour une meilleure prise en charge des patients dans un bassin de vie », poursuit l'hospitalier. Il défend ainsi l'idée d'une responsabilité populationnelle sur le territoire, pour organiser, par exemple, la filière de l'obésité ou du diabète entre tous les acteurs publics, privés et de ville.
Le numérique, un atout
Autre domaine dans lequel l'hôpital peut s'améliorer : le recours au numérique. Si la crise sanitaire a fait rentrer dans les usages les téléconsultations ou la prise de rendez-vous en ligne, le numérique « fait encore peur », estime Stanislas Niox-Chateau, PDG de Doctolib. Pourtant, « il peut être synonyme d'accès aux soins, aider à mieux soigner et à coopérer » encourage-t-il. En France, les hôpitaux investissent en moyenne 0,7 % de leur budget dans le numérique contre 2 % ailleurs en Europe et 6 à 7 % aux États-Unis ou dans certains pays asiatiques, souligne le fondateur de la start-up, qui travaille avec 250 hôpitaux dans l'Hexagone. « Le numérique ne doit pas créer une charge de travail en plus, note Stanislas Niox-Chateau. Il reste un atout pour les établissements et les cabinets de ville et il permet aussi d'aider les patients à devenir acteurs de leur santé. »
Le futur de l'hôpital sera aussi plus vert et tourné vers les patients. En termes d'architecture, cela se traduit par « une amélioration des conditions d'accueil des patients et accompagnants » avec des lieux « humanisant et rassurants » et par « une exemplarité énergétique » avec des bâtiments « bas carbone » et la recherche d'une sobriété énergétique, énumère Charlotte Pijcke, architecte associée chez Michel Beauvais Architecture. Du côté des représentants des patients, on plaide pour une meilleure intégration de leur expérience afin d' « améliorer la performance du soin, par exemple l'observance des traitements ». « Il faut changer la façon dont les décisions sont prises et écouter la voix singulière des patients notamment en les intégrant dans les comités d'éthique, fait valoir Alexandre Berkesse, chargé de mission partenariat et expérience patient en santé (PEPS) aux Hospices civils de Lyon (HCL). Il faut redonner du sens, et renouer le dialogue. »
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