Très déçu par les conclusions du Ségur de la santé dévoilées mi-juillet, le Dr Arnaud Chiche, 44 ans, anesthésiste et réanimateur médical à la polyclinique d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a créé le collectif « Santé en danger » sur Facebook, miroir de l'insatisfaction de certains personnels soignants, qui réclament la réouverture de négociations avant septembre. Cette initiative personnelle a rapidement pris de l'ampleur. Le groupe rassemble désormais plus de 120 000 membres, médecins, paramédicaux ou usagers.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir créé le collectif Santé en danger ? Quel est son objectif ?
Dr ARNAUD CHICHE : Le déclencheur, c'est l'incompréhension. Comme beaucoup de professionnels de santé, j'ai dû organiser et participer à la gestion de la crise sanitaire dans mon établissement. J'ai assisté à l'héroïsme des soignants tous les jours. Exemple : des aides-soignantes qui exercent en chirurgie ambulatoire se sont retrouvées du jour au lendemain à changer de métier. J'ai vécu la mobilisation des administratifs, la mise en branle de tout un système. Lorsque nous sommes sortis de cette phase, j’ai fait confiance à l'État qui a annoncé le Ségur, porteur d'espoirs. Finalement, c'est la déception. Je poste donc un message personnel sur Facebook pour expliquer ma colère. Le post est devenu viral, liké plus de 700 fois et partagé plus de 1 200 fois. Je reçois énormément de témoignages. J'ai donc créé une page pour rassembler les professionnels de santé et réclamer un Ségur 2. J'ai lancé une pétition qui a recueilli à ce jour plus de 18 000 signatures.
Pourtant, les professionnels de santé ont obtenu 8,2 milliards d'euros de revalorisations salariales et 15 000 recrutements à l'hôpital… Qu'est-ce qui vous a déçu ?
Le Ségur a donné un os à ronger aux soignants. Il n'y a pas toutes les composantes de la santé représentées, il ne s'intéresse pas à la qualité de vie des professionnels. Il ne répond pas non plus aux attentes des soignants. Il a fragmenté le soin en France, en ne s'intéressant qu'à une frange de la médecine et en oubliant la médecine de ville. Le salaire des paramédicaux est insuffisant, il est toujours trop bas. Et les sages-femmes n'étaient pas à la table des négociations. Tout n'est pas à jeter non plus, le doublement de la prime du service public [IESPE, à hauteur de 1 010 euros brut mensuels quelle que soit l'ancienneté, NDLR] va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin.
De quoi ont besoin les soignants ?
Le collectif réceptionne depuis quatre semaines les revendications de tous. Nous rédigeons actuellement un document de propositions. En priorité, il faut s'occuper du travail de nuit. Il faut doubler la garde [actuellement, une garde équivaut à 264 euros en semaine, le dimanche et les jours fériés dans le cadre des obligations de service, NDLR]. Le temps de travail des médecins qui prennent des gardes devrait aussi être calculé en temps médical continu comme les médecins urgentistes, soit 48 heures, gardes comprises. Il faudrait aussi permettre aux praticiens hospitaliers de gagner trois échelons dans la grille salariale. Par exemple, ceux qui sont au 4e échelon passent au 7e. Les prochaines négociations doivent entendre le monde médical entier et prendre en compte tous les corps de métier, le public, le privé ainsi que le libéral.
Quelle est la prochaine étape ?
Je suis désormais appuyé par une trentaine de syndicats de diverses professions de santé. Nous souhaitons devenir une association pour être plus audibles auprès des instances politiques et administratives. Des parlementaires se sont adressés en notre nom au premier ministre, Jean Castex, il y a une quinzaine de jours et son cabinet nous a répondu qu'il nous contacterait rapidement. Nous n'avons pas de nouvelles depuis. Nous avons aussi adressé une demande pour être reçu au ministère de la Santé. Sans réponse non plus.
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